CHEESE !
François Sagat et Sharok s’invitent dans « Beau Menteur » de Marc Martin
Beau Menteur était l’un des beaux livres gays immanquables de l’année 2023. Un somptueux coffret collector duquel émerge tout le talent du photographe et réalisateur Marc Martin s’intéressant à travers ce projet à la masculinité, la puissance érotique de la virilité, ses codes, tout en les remodelant en guise d’invitation à s’en affranchir.
Surprise : succès oblige, Marc Martin prolonge le plaisir avec une édition augmentée comprenant deux nouveaux feuillets où se mêlent superbes photographies et petits textes poétiques signés Claude-Hubert Tatot, auteur et historien de l’art. Et y apparaissent en invités très spéciaux deux légendes sexy gays : le déjà culte et iconique François Sagat qu’on ne présente plus et l’une des plus grandes stars des films adultes homos de la dernière décennie, Sharok.
Le feuillet Dynastie amène le personnage principal du projet, Beau Menteur (incarné par Benjamin aka personne_public sur Instagram) à croiser le chemin de François Sagat, ou plutôt à se faire déballer par lui, arrivant comme une poupée de chair dans une malle stipulant « Fragile ».
A travers la série photo, on voit François Sagat passer le flambeau à Beau Menteur, le façonnant à son image. François Sagat apparait ici à la fois comme modèle, une représentation du masculin que Beau Menteur absorbe au point de vouloir être comme lui, et aussi une figure littéralement nourrissante, allant jusqu’à donner son sein, son lait. Idéalisation, mimétisme, homoérotisme, dédoublement : en seulement quelques clichés, Marc Martin nous amène à nous interroger sur beaucoup de choses. La façon que les gays ont parfois de vouloir devenir leurs idoles fantasmatiques, la quête perpétuelle d’un look masculin fabriqué qui plait tant aux autres mâles et qui passe par une série d’ornements et de rituels, la façon que l’on a de singer celui qui nous plait et de ne plus faire qu’un au point de devenir des copies conformes. Il y a une petite vibe Cronenberg dans ce récit photographique qui finit par ressembler à un affectueux clonage.
Le feuillet Charnels est pour sa part davantage dans la douceur et la sensualité. Beau Menteur trouve refuge dans les bras de l’ultra viril et iranien Sharok. La série photo déborde de tendresse et d’érotisme doux, et a de quoi faire tourner la tête à ceux qui ne sont pas insensibles aux beaux pieds d’hommes. De très belles étreintes viriles, et subtilement, des images qui nous montrent que le rapport n’est si unilatéral ou figé : Beau Menteur arbore ainsi des griffes que l’on associe en général au féminin et qui peuvent laisser leur trace sur le torse tatoué du beau mâle protecteur et apaisant qui a aussi sa sensibilité et ses désirs d’être étreint.
En introduction des feuillets, des citations d’interviews qui retranscrivent parfaitement l’essence du projet Beau Menteur et posent les participations de François Sagat et Sharok comme des évidences. François Sagat, car il a pu se prendre au début de sa carrière, quand il n’était pas encore aussi affirmé et libre qu’aujourd’hui, des remarques comme quoi il était déceptif dans sa masculinité, pas aussi viril que son image quand il s’exprimait (« J’ai eu de plus en plus l’impression d’être la poupée d’un public invisible qu’on avait abimée » peut-on lire). Sharok, car derrière l’image du mâle archi dominant qu’il a pu incarner dans ses films et scènes est aussi et surtout un homme militant qui a toujours embrassé sa part de féminité (« Les hommes gays étaient souvent rebutés et trouvaient ça bizarre de voir un homme musclé en robe à paillettes, surtout s’il est iranien »). Plus que jamais ici le corps, le coeur et l’esprit se marient à merveille.
L’édition augmentée de Beau Menteur est disponible en ligne et aux Mots à la Bouche à Paris
