CINEMA

FUNNY GAMES de Michael Haneke : jeux sadiques

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Anna (Susanne Lothar), Georg (Ulrich Mühe) et Georg Junior forment une famille unie et lisse. Ils partent pour plusieurs jours de vacances au bord d’un lac. Ils avaient tout prévu : partie de golf avec leurs voisins, détente, moments familiaux complices. Sauf que ,dès leur arrivée, ils sentent que quelque chose d’étrange se passe. Leurs voisins semblent contrariés et ne viennent même pas les saluer. Ils restent loin derrière leur portail, accompagnés de deux jeunes inconnus.

D’abord troublés, nos amis vacanciers oublieront cette étrangeté quelques heures plus tard. Anna passe des coups de fil pour essayer de convaincre des amis de la rejoindre, Georg père et fils se baladent sur l’eau. Anna reçoit alors la visite soudaine d’un inconnu. Il s’agit d’un des deux garçons qui étaient avec leurs voisins lors de leur arrivée. Il est là , avec ses bonnes manières, pour lui demander des oeufs. Elle lui en offre de bon coeur. Mais il les fait tomber. Plus déterminé, il lui demande de lui redonner de nouveaux oeufs. Elle accepte mais commence à être fatiguée lorsque le jeune homme noie par accident son téléphone dans l’évier. Elle est pressée de le voir partir, sa gaucherie l’exaspère.

Mais quelques minutes plus tard, le garçon est à nouveau de retour, accompagné de son camarade. Il a encore fait tomber les oeufs, apeuré par le chien de la famille. Il en veut des nouveaux. Anna en a marre et leur demande de s’en aller. Mais ils n’entendent pas les choses de la même façon. Quelque chose va déraper ? Le père et le fils retournent à la maison pour s’assurer que tout va bien. Ils vont rapidement comprendre que les deux jeunes hommes si bien éduqués qui sont dans leur maison ne sont pas tout à fait du genre équilibrés. Progressivement, lentement, les deux amis vont veiller à faire voler en éclat physiquement et psychologiquement la famille modèle…

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Funny Games s’ouvre sur un jeu. Le couple Anna/Georg est en voiture et essaie de deviner qui est l’auteur de musique classique que chacun choisit. Famille soudée, esprit vacances : tout baigne. Mais dès que l’on sent un petit trouble du côté des amis voisins, nous autres spectateurs ne pouvons nous empêcher de penser que quelque chose va arriver. Mais est-ce que quelque chose cloche vraiment ? Michael Haneke pousse le spectateur à se poser la question. Ainsi, pendant les scènes de demandes d’oeufs on est complètement figés, prêts à voir le jeune homme enrobé prendre un couteau et zigouiller la gentille mère de famille. Mais il ne se passe rien, on nous fait attendre. Le réalisateur commence déjà son propre jeu : montrer au spectateur sa perversité profonde, celle qui le pousse à s’attendre à de véritables horreurs appliquées à des gens innocents.

Une fois que la famille est au complet dans la maison et que les deux mystérieux visiteurs la garde en otage, les jeux sadiques vont réellement commencer. Car Paul (Arno Frisch) et Peter (Frank Giering) -les deux visiteurs- sont là pour ça : jouer. Des jeux psychologiques, éprouvants, pervers. Et n’aimant pas jouer seuls, ils vont pousser la famille à participer. Plus le temps passe, plus la tension monte, plus l’exaspération envahit personnages et spectateurs. Que cherchent Paul et Peter ? Vont-ils finalement liquider la famille ? Nous n’aurons pas forcément les réponses à toutes nos questions. Exemple : à un moment donné, Paul et Peter demandent à la famille pourquoi selon eux ils sont devenus aussi fêlés. Résultat : tout le monde ressort plus embrouillés que jamais, les nerfs à vif. Haneke nous perd dans son scénario machiavélique.

Quel intérêt de torturer des honnêtes gens ? Et si la réponse était : quel intérêt de regarder un film où des honnêtes gens se font séquestrer ? La réponse est culottée mais de plus en plus sous-jacente au fil du film. Le réalisateur s’amuse à deviner nos attentes et à nous renvoyer  à notre côté voyeuriste (Peter s’adresse souvent face caméra avec un regard complice).

Si au début ces petits jeux pas très drôles nous font rire, c’est rapidement l’angoisse qui nous gagne. On étouffe face au désespoir progressif de cette famille brisée. On croit connaitre la fin et on en a peur. Oeuvre fracassante et sans pitié, aucune, Funny Games jette le trouble sur notre condition de spectateur et on est peut-être même gênés d’adorer ce long-métrage. Car ce serait peut-être cautionner tant de violence et de cruauté. Les acteurs sont tout simplement parfaits, la mise en scène souvent aussi sadique que son scénario. Sensations fortes pour oeuvre dérangeante aux allures de chef d’oeuvre.

Film sorti en 1998 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3