FICTIONS LGBT

G – LOST IN FRANKFURT de George Dare : gouttes de trop

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Kris (Kristof Broda) quitte Varsovie pour commencer une nouvelle vie à Francfort. Grâce à un ami qui lui sous-loue son appartement, il peut rapidement s’installer. Il a même déjà trouvé un travail dans un magasin qui vend des sous-vêtements masculins et accessoires fetish.

Alors qu’il entame sa première journée de travail, Kris flirte avec un client, Damiano (Damiano Gaumann). Ce dernier lui propose de lui faire visiter la ville. Le soir, à la fermeture de la boutique, le bel inconnu attend le nouveau venu pour l’entraîner dans une folle virée touristique et festive. Porté par l’euphorie d’un nouveau commencement et de sa rencontre avec un garçon qu’il désire instantanément, Kris se laisse aller et profite.

La nuit sera longue : après une session clubbing, Damiano l’amène chez lui pour une partie de jambes en l’air torride sous GHB. Le lendemain, alors que le jeune polonais travaille en essayant de se remettre de la veille, Damiano revient au magasin, cette fois accompagné d’un ami. Il invite Kris à se joindre à eux pour une nouvelle soirée de folie. C’est le début d’une spirale infernale… 

g lost in frankfurt film

Premier long-métrage de George Dare, G : Lost in Frankfurt est une exaltante curiosité, le genre de film gay indépendant qui ne manquera pas de diviser de par son parti pris assumé. Peu de dialogues, une musique electro omniprésente : le film nous invite à suivre les premiers jours à Francfort d’un jeune gay polonais. Un poil naïf, habité par le désir de vivre, Kris prend les choses comme elles viennent, sans se poser de questions. Quand un allemand d’origine italienne ultra sexy fait irruption dans la boutique où il travaille, il se laisse séduire et le suit la nuit tombée. Difficile pour ce petit nouveau de faire la part des choses : le beau Damiano l’entraîne dans une course à 100 à l’heure entre tourisme et clubbing. Avenant, doux et chaleureux, le beau mec dévoile un autre visage au bout de la nuit. Il adore se défoncer et mêler sexe et drogues. Envoûté, Kris se laisse embarquer.

Habilement, le film montre la difficulté de faire la part des choses quand on est un inconnu débarquant dans une nouvelle ville. Kris est ravi de vivre de nouvelles expériences mais il plonge sans filets. Peut-il réellement se fier à Damiano qui derrière son beau sourire et sa sensibilité revendiquée se révèle par moments auto destructeur ? Tout s’enchaîne très vite, la première soirée laisse place à une seconde qui se termine en plan à 3, une nouvelle fois sous GHB et sans capote. Et le surlendemain, quand Damiano et Kris vont se balader en ville avec un groupe d’amis, on se dit que ça va encore finir de façon pas très sage…

Le réalisateur scrute, sans jugement, comment quelqu’un d’ordinaire peut tomber dans la drogue et emprunter un chemin dangereux. Plus que jamais, les substances illicites s’immiscent dans la sexualité, permettant de s’adonner à des plans « planants » et désinhibés. Des expériences vertigineuses, qui retournent le cerveau, pour des jeunes hommes qui vivent plus ou moins bien leur homosexualité et qui cherchent à s’éclater et s’oublier par tous les moyens.

Le spectateur a l’impression d’être dans la tête et le corps de Kris : il partage son excitation, a dans les oreilles de la musique non stop, a la sensation de déambuler dans un clip sexy qui se mue en porno transgressif sous substance. Le film s’apparente à un clip géant, jusqu’au malaise. George Dare n’a pas peur des artifices, en use et en abuse pour traduire ce que ressent son personnage qui s’égare de plus en plus. Chaque fin de nuit, où les corps se mélangent en toute bestialité, sont filmées avec un cadre diminué, des effets qui traduisent la défonce et la sensation grisante des corps qui s’oublient pour s’emboiter. Le projet emballe de par sa faculté à mêler intimement la sensualité et l’érotisme extrême des situations et le malaise qui les accompagne (oui, ces mecs sont hot et se lâchent mais ils ne couchent systématiquement que sous drogue et sans capote et ça craint !).

On ne sait jamais ce qui va se passer, on devine ce qui se joue mais on se demande jusqu’où ça ira. L’impression de déambuler dans Francfort en temps réel, avec un petit goût de parano, en se demandant s’il s’agit là d’une parenthèse fun ou d’une véritable descente aux enfers. Un trip.

Produit en 2015 le film n’est hélas jamais sorti en France jusqu’à l’heure de l’écriture de ces lignes. Dommage car il montre bien l’ambivalence du chemsex, sujet qui mériterait d’être davantage exposé ne serait-ce qu’à titre de prévention. Il reste dispo en import DVD. 

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3