FICTIONS LGBT

GAYBY de Jonathan Lisecki : le rêve d’une famille moderne

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Jenn (Jenn Harris) et Matt (Matthew Wilkas) sont meilleurs amis, ont une trentaine d’années et sont encore et toujours célibataires. Jenn ne parvient pas à trouver chaussure à son pied, Matt, qui est gay, a du mal à se remettre de sa séparation avec un garçon qui a partagé sa vie pendant plusieurs années (pour ne pas dire toute sa jeunesse). Elle est prof de yoga, il travaille dans un magasin de comics. Cela fait quelques temps qu’ils se voient moins, Matt ayant déménagé. Un SMS va changer la donne : un jour, Jenn propose à son meilleur ami de faire un bébé ensemble.

L’idée lui semble d’abord un brin farfelue puis il réalise qu’il a un vrai désir d’enfant lui aussi. Ils conviennent d’élever à deux « le fruit de leur amour ». Quand il lui demande comment elle compte procéder, Jenn surprend Matt en lui exprimant son envie de mettre le bébé en route « naturellement ». Et les voilà réunis dans un lit. Les premières tentatives sont peu fructueuses mais ils s’accrochent et recommencent avant de réfléchir à diverses méthodes.

En parallèle de ce projet d’enfant qui pourrait bouleverser leur existence, les deux trentenaires continuent de chercher l’amour ou autres substituts. Matt se réinscrit sur Internet et multiplie les « dates » plus ou moins prometteurs avant de craquer sur un père divorcé fraîchement sorti du placard. Jenn drague elle aussi en ligne, accepte des rencards envoyés par sa sœur, succombe le temps d’une partie de jambes en l’air aussi torride qu’improbable avec un étrange décorateur d’intérieur. Entre déconvenues et heureuses surprises, Jenn et Matt continuent à chercher leur bonheur et espèrent bien finir par devenir une famille…

gayby film jonathan lisecki

Sur le papier, Gayby (titre qui fait référence au nom créé par les deux personnages principaux plaisantant en évoquant l’idée de mettre en chantier un « gay baby ») s’apparentait à une énième comédie indépendante gay paresseuse, sur un sujet au cœur de l’actualité au moment de sa sortie dans les salles américaines en 2012. Cette version longue d’un court-métrage éponyme ayant remporté un joli succès dans les festivals LGBT finit pourtant par être ni plus ni moins l’une des comédies à thématique gay les plus drôles et les plus attachantes de la décennie 2010. Jonathan Lisecki, réalisateur et scénariste (mais aussi acteur dans un second rôle – il campe ici « le pote de déjeuner » bear plus ou moins malgré lui du personnage principal) a le don de créer des situations particulièrement hilarantes et improbables et ne manque pas d’imagination quand il s’agit de donner naissance à des répliques piquantes et référencées.

C’est un détail, mais en fouillant dans sa filmographie sur Imdb, on découvre que Lisecki a participé en tant que producteur à la web série d’Adam Goldman, The outs (on retrouve d’ailleurs l’un des acteurs de cette série, le craquant Tommy Heleringer, le temps d’une brève scène). On retrouve aussi côté casting dans un second rôle sympathiquement bitchy Jack Ferver (vu dans une autre web série, Hunting Season). Ces trois productions ont en commun de se baser sur une écriture sensible et caustique, de capter avec beaucoup de justesse l’air du temps, ce que c’est que d’être gay au début des années 2010. Comme Adam Goldberg, Jonathan Lisecki sait détourner les clichés, osciller entre la comédie pure, un cynisme mordant et une belle sensibilité. Résultat : non seulement on rit beaucoup devant Gayby mais surtout on s’attache énormément aux personnages comme si on les connaissait depuis toujours.

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Une trentenaire célibataire qui finit par envisager de faire un bébé avec son meilleur ami gay : on a déjà vu ça plusieurs fois au cinéma. Mais ici pas question de virer au drame, de se livrer à une analyse sociologique, de provoquer un débat. Les personnages de Jenn et Matt sont profondément positifs, témoignent d’une irrésistible folie douce et n’ont pas peur d’affronter les préjugés. On ne les voit jamais douter de leur capacité à élever ensemble un enfant, s’inquiéter du regard des autres. Leur énergie, leur liberté et leur insouciance font un bien fou. Et le film de flirter en parallèle avec la comédie romantique, version doucement barrée. Comme une façon de rappeler que même si l’on envisage d’être père ou mère, on peut encore envisager d’avoir sa propre vie, chercher à s’épanouir, se remettre en question au gré des rencontres. Avec drôlerie et délicatesse, Gayby fait passer un joli message : la famille reste à réinventer. Bien sûr tout ne sera pas facile pour ces deux aspirants parents, mais ils y croient, ils avancent, sans jamais baisser les bras.

Si l’écriture est à saluer, l’interprétation des comédiens fait plus que tenir la route. Chaque personnage existe. Un sujet sensible abordé avec une légèreté salvatrice.

Film produit en 2012 et disponible en VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3