FICTIONS LGBT
GLUE d’Alexis Dos Santos : trip adolescent
Dans un petit village aux airs de désert en Argentine, trois adolescents commencent à se poser des questions sur leur sexualité, sur le monde, sur leur identité. Lucas (Nahuel Pérez Biscayart) vit avec sa mère et ses frères et sœurs. Le père est absent : il passe son temps à tromper son épouse avec une femme du coin avant d’essayer de toujours recoller les morceaux. Loin de la promiscuité et de l’ambiance lourde du foyer, Lucas aime s’évader avec son meilleur ami Nacho (Nahuel Viale). Ils vont ensemble voir des filles à la piscine et ils font tous les deux partie d’un groupe de rock indépendant. Leur relation commence à se teinter d’ambiguïté, les petites batailles enfantines ressemblant de plus en plus à des frottements charnels. Lucas s’interroge : à qui pense Nacho quand il fantasme ? Dans le fond quelle différence entre embrasser une fille ou un garçon ? Le duo devient trio alors qu’une amitié se crée avec une jeune fille du coin, la quelque peu désorientée Andrea (Inés Efron). La demoiselle se pose elle aussi des questions existentielles, se rêve parfois en homme, a envie de rouler des pelles. Entre quotidien familial lourd, excitation et quête de repères, nos trois teenagers vont aller au bout de leurs découvertes le temps d’un été…
Premier film d’Alexis Dos Santos, Glue est une œuvre réjouissante, portée par les peurs et les excitations de l’adolescence. Le réalisateur nous plonge surtout dans l’intimité de Lucas et d’Andrea, tous deux désirant le même garçon : le discret mais sensuel Nacho. Tout le film durant il y a une sorte de latence, des longueurs sensuelles amplifiées par une mise en scène extrêmement sensorielle. On retiendra de nombreux passages en Super 8 mais aussi et surtout une belle collection de gros plans nous amenant au plus près des corps des personnages, nous donnant parfois la sensation de nous y frotter, de les sentir. Un travail consciencieux sur le son est également à saluer et au final par moments Glue relève du véritable trip.
La glue qui donne son titre au film est celle que Lucas trouve alors qu’il est en week end dans l’appartement vide de son père, en compagnie de son ami tant désiré. La glue leur permet de se défoncer, d’échapper au monde, aux questions. Elle les désinhibe aussi. Et au final, cette glue qui colle aux doigts ne ressemble ni plus ni moins à du sperme. Alexis Dos Santos essaie avec brio de nous faire ressentir le poids et la curieuse impression de relâchement d’une gueule de bois, de montrer comment un corps peut aller vers un autre de la façon la plus naturelle, juste pour le plaisir. Il faudra attendre plus que les deux tiers du film pour assister au trio annoncé. Mais quel trio ! Les trois interprètes disposent tous d’un charme fou, d’une sensualité débordante. Coup de chaleur garanti.
Avec ses décors naturels désertiques, Glue évoque l’univers des westerns. Qui est donc l’adversaire en face, l’objet du duel ? L’être aimé ou soi-même ? Interrogeant le genre (Lucas aimerait être une fille, avoir des seins pour charmer naturellement son meilleur ami ; Andrea se dit parfois qu’elle aimerait être un homme pour faire « des trucs de mecs »), évitant les clichés et restant toujours aussi bien dans la tête que dans les corps de ses protagonistes, Glue est un teen movie qui a tout du ravissement.
Film produit en 2006