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GREEK PETE de Andrew Haigh : l’escort qui voulait faire carrière

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Peter vit à Londres et se prostitue. Obsédé par l’idée de gagner un maximum d’argent et de devenir le meilleur « rentboy » de la ville (voire du monde), il se donne à fond, quitte à parfois s’y perdre. Il refuse ainsi d’admettre que le rejet de ses parents face à ses activités le rend profondément triste ou n’est pas toujours capable de voir à quel point son petit ami Kai (lui aussi prostitué, mais nettement moins ambitieux) est nécessaire à son fragile équilibre. Le temps d’une année, Peter va nous faire partager son quotidien entre récit d’expériences amusantes ou atterrantes, excitation, fêtes, drogues et solitude…

greek pete andrew haigh

Le réalisateur Andrew Haigh livre avec Greek Pete (titre en référence aux origines grecques de son personnage principal et sujet) un étrange objet cinématographique. On pense jusqu’à la fin assister à un « vrai documentaire », avant de découvrir qu’il y a là une grande part de fiction, que beaucoup de choses ont été retranscrites, jouées à l’écran. Où est le vrai ? Où est le faux ? Peu importe dans le fond. Ce qui est certain, c’est que le cinéaste a vraiment pris le temps d’aller enquêter sur le terrain et de recueillir des témoignages forts, émouvants, nourrissant un personnage principal tour à tour séduisant, attachant ou profondément triste.

Face caméra, détendu, animé, Peter se confie, clame qu’il est fier de ce qu’il fait et qu’il a réussi dans la vie, à sa façon. Plan cul tarifé classique ou plus hard, à deux ou à plusieurs, discret ou filmé; modèle pour des photos de charme ou des films amateurs : le jeune homme, qui sait jouer du charme de son accent anglais, a peu de limites. Indéniablement narcissique, sûr de lui, il enchaîne les clients à une vitesse étonnante, prend son travail très au sérieux, au point de souvent le faire passer avant une vie privée en dents de scie.

greek pete andrew haigh

Par moments, Peter semble militer pour son métier, qu’il perçoit comme une activité assez ludique, lui permettant de poursuivre ses rêves (mettre beaucoup d’argent de côté, devenir quelqu’un, avoir la sensation d’être doué). Mais s’il vit dans un bel appartement et parvient à se faire remarquer (il finira par être sélectionné pour l’Award du meilleur Escort Boy) , il n’échappe pas à une certaine ostracisation. Petit à petit, comme un enfant masquant sa détresse, Peter s’énerve et revient sur son rapport avec ses parents. Il ne comprend pas que, malgré le fait qu’il soit le meilleur dans son secteur, ses géniteurs refusent de le soutenir, de l’accepter tel qu’il est. Et ni l’argent, ni l’amour, ni les soirées drogues avec des amis légèrement désaxés ne pourront panser cette plaie.

Nul doute que chaque spectateur pourra avoir un point de vue différent sur le film. Car ce dernier, intimiste et sensible, a le mérite de ne jamais vraiment prendre parti.  Andrew Haigh reste en effet toujours à bonne distance, délivrant une œuvre brute et souvent bouleversante.

Film produit en 2009 / Disponible en DVD import

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3