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Grizzly Bear, Shields : au sommet
Après le succès du magnifique Veckatimest, les new-yorkais de Grizzly Bear sont de retour avec un quatrième album, Shields. La promo est un poil plus discrète, à la première écoute on ne détecte pas de titre hyper accrocheur, limpide comme c’était le cas dans le précédent opus. C’est un peu plus lent,plus artisanal, incroyablement intrigant. Il n’y a peut-être pas un coup de foudre mais on devine de suite qu’on va écouter en boucle ces morceaux, qu’ils vont nous accompagner longtemps et peut-être même davantage nous obséder que ceux qui les avaient précédés. Quelque chose attire, touche un point sensible.
Ouverture avec Sleeping Ute. C’est d’une maîtrise à tomber, caressant et somptueusement alambiqué. On peut déjà rester bouche bée face à l’intensité, la densité d’un pareil morceau. Il nous fait passer par tellement d’états, d’émotions, qu’il justifierait à lui seul l’achat de l’album. Et on reconnaît là tout le talent des Grizzly Bear, parvenant à être accessibles au plus grand nombre et témoignant d’une exigence qui ne faiblit jamais, s’autorisant tous les revirements, les accidents les plus brillants. Après avoir fait péter les guitares, un peu moins d’une minute trente avant la fin du premier titre, on se laisse complètement envoûter par la voix du chanteur, comme venue d’un autre temps. Hypnotique. Speak in rounds lui succède et ne démérite pas. Le cœur palpite, cette musique a des tripes. On est pris dans un élan, on jurerait qu’on est à deux doigts de toucher les cieux.
Les nouvelles chansons du groupe sont articulées comme des histoires non dénuées de surprises. On passe de mélodies bien huilées à des sommets de beauté. A simple answear se déroule à la perfection, bien rodé, pendant quatre minutes, puis les deux dernières minutes transforment la maîtrise en magie : la grâce arrive dans nos oreilles. Le côté moderne et hybride des Grizzly Bear permet des miracles. Faussement minimaliste, What’s Wrong s’écoute jusqu’à l’obsession et fait s’hérisser les poils à chaque fois. Evidence pop (gun-shy), folk étonamment explosif (le sublime Half Gate)… Shields est un album qui ne s’use pas, qui ne devrait pas manquer de faire face à l’épreuve du temps. Le groupe qui en est l’auteur n’a jamais peur de mettre le paquet, de changer subitement de direction, de se risquer à monter très haut, jusqu’au vertige le plus troublant. La réussite de l’ensemble n’en est que plus éclatante.