FICTIONS LGBT
HARVEY MILK de Gus Van Sant : homosexualité politique
Le destin d’Harvey Milk (Sean Penn), premier homme ouvertement gay à avoir été élu à des fonctions officielles. Huit années dans la vie de ce personnage charismatique qui va passer de banal gay acceptant tête baissée les brimades de la Police à un militant combatif et de plus en plus influent. De la rencontre avec l’homme de sa vie, Scotty (James Franco), à ses premières élections difficiles, ce biopic engagé retrace aussi et surtout la naissance d’une communauté homosexuelle qui se bat pour ses droits. Bienvenue dans la Californie des années 1970, pas très ouverte à la tolérance…
Le cinéaste Gus Van Sant revient à Hollywood avec ce film pour partager une histoire qui lui tient à cœur, celle du militant Harvey Milk. La réalisation est très sobre mais assez élégante et le scénario (signé Dustin Lance Black, oscarisé pour l’occasion) bien fichu. Mais ce que l’on retiendra surtout c’est bien sûr l’interprétation de Sean Penn (lui aussi primé pour ce projet). Acteur caméléon, artiste total, il EST Harvey Milk. Beaucoup de justesse dans ce rôle habité qui offrira un bon lot d’émotions aux spectateurs. On connaît certes déjà la fin tragique, annoncée dès les premières minutes, et pourtant le cinéaste parvient à rendre le tout très haletant, nous donne envie de croire que notre bas monde n’est pas si mauvais.
Portrait d’une société arriérée, dénonciation d’une Eglise catholique, de ses représentants et fidèles fanatiques qui appellent au mépris de la différence plutôt qu’à l’amour de son prochain, ce film résonne malheureusement avec notre société actuelle des décennies plus tard. Van Sant pointe du doigt l’amalgame atroce entre homosexuels et pédophiles, employé pour stigmatiser les gays comme des déviants, des personnes ayant opté pour le Mal, alors que c’est bien connu, on ne choisit pas sa sexualité.
C’est un film vibrant, encore plus sans doute quand on est gay. Il est également important de souligner que Harvey Milk évite le manichéisme : l’assassin de Milk étant plus montré comme une victime, un homme faible qui craque sous la pression, que comme un bourreau sans cœur. Le passage de l’assassinat n’est d’ailleurs pas sans rappeler un certain Elephant. Même s’il signe une œuvre très universelle et qui a pour espoir d’amener à réfléchir un grand public encore parfois soumis à de gros préjugés, Gus Van Sant laisse sa trace, filmant les acteurs avec un réel désir (ah les photos de James Franco…) et livrant un énième long-métrage sur une personne en marge de la société, qu’elle le veuille ou non.
Propos fort, œuvre engagée et accessible, ode au militantisme, Harvey Milk est à voir. Ne serait-ce que pour honorer la lutte de cet homme que l’Histoire a plus ou moins omis de mettre vraiment en lumière.
Film sorti le 4 mars 2009. Disponible en DVD et VOD