Holden, Sidération : un trésor français

Depuis sa création en 1997, Holden n’a jamais déçu. Des premières expérimentations rock de l’Arrière monde à l’abstraction envoûtante de Fantomatisme, en passant par la pop entêtante de Pedrolira ou les mélodies imparables de Chevrotine, la discographie de cette formation française qui ne ressemble à aucune autre est marquée par une grande cohérence même si chaque disque constitue une nouvelle proposition, une nouvelle aventure musicale dont on met des mois voire des années à se remettre. Holden, c’est un style unique, avec la guitare joueuse et bouleversante de Mocke, la voix insondable d’Armelle Pioline, des textes qui restent longtemps des mystères, dont la pureté foudroie.

Sidération, cinquième opus financé grâce à l’aide des fans (15 000 euros ont été récoltés en 2012 via le site de crowd-funding Kiss Kiss Bank Bank), marque une certaine rupture avec ses trois prédécesseurs. Ces derniers avaient été enregistrés au Chili, en collaboration avec le producteur Senor Coconut. Cette fois, Armelle Pioline, Mocke et le nouvel arrivant, Emmanuel Mario, ont réalisé leur disque en France, dans l’intimité d’un petit studio. L’album est le résultat de mois de recherches, d’une résidence d’un an à la salle de concert La Loge à Paris, d’un dialogue retrouvé entre ses deux membres fondateurs (Armelle Pioline s’était octroyée en parallèle d’Holden une petite virée solo avec son album pop en anglais, A space without corner, tandis que Mocke s’était fortement fait remarquer l’an dernier avec Midget, dont le magnifique album Lumière d’en bas continue de nous hanter).

Sidération est sans aucun doute l’album le plus fidèle aux prestations scéniques d’Holden. Plus épuré, plus direct, il sublime comme jamais la voix d’Armelle Pioline tandis que les envolées mélodiques à la guitare de Mocke nous font quitter la Terre. C’est un disque plus intimiste, plus lent, qui joue de la langueur et qui au fil des chansons finit par atteindre une grâce inespérée. 11 titres, une centaine de mots, des histoires, des personnages et des émotions qui résonnent, qui bouleversent sans qu’on arrive toujours à déceler pourquoi. Les textes n’ont jamais été aussi beaux, d’une poésie précieuse (L’ombre de ta bouche ou Des yeux et des merles en sont les plus renversantes démonstrations). Les instrumentations et les paroles échappent aux lois du temps (L’ivresse ou Rapproche-le ton amour ne perdront rien de leur force dans des dizaines d’années), les expérimentations sont toujours au rendez-vous ainsi que les voyages obsédants (Quel ami nous met KO dès ses premières notes et nous emmène tellement loin qu’on ne peut plus revenir à la normale, relançant inlassablement la piste / L’autre silence nous laisse les yeux mouillés, bouleversé par un « chant de guitare »).

Plus que jamais avec Sidération, Holden apparaît comme un meilleur ami imaginaire, une musique qui nous touche et semble nous comprendre comme personne. C’est beau comme un secret, avec des textes d’un raffinement rare, entre le monde et les cieux. Un véritable trésor qui ne lâchera plus ceux qui auront la chance de le découvrir.