FICTIONS LGBT
HOOKS TO THE LEFT de Todd Verow : dans le flou
Todd Verow livre avec Hooks to the left un trip expérimental forcément singulier. Réalisé en 2006 avec un telephone Nokia, ce projet est une adaptation personnelle par Verow du journal d’un prostitué New-Yorkais. Pendant environ 1h15, nous serons ainsi guidés par une voix off. Voix off en écho, comme d’outre-tombe. Le prostitué s’appelle Nail, il avait pour habitude de se prostituer durant ses jeunes années. Puis il a rencontré Tom, avec lequel il est resté douze ans. Alors que la relation s’achève et que Nail est désormais âgé de 37 ans, il retourne à la prostitution. Les codes ne sont plus les mêmes, désormais tout se passe par Internet. Nail crée son profil, spécifie la conséquente taille de son engin et sa particularité (son sexe « hooks to the left », je vous laisse traduire vous-même ;).
Tout le film sera le récit de ses rencontres avec des clients, de ses états d’âmes. Comment les rencontres se planifient et s’exécutent, comment se déroulent ces plans tarifés. Plus le temps passe et plus la confusion règne. Toutes ces histoires de mecs friands de gros calibres, soumis, qui posent toujours les mêmes questions…Nail se retrouve pris dans une spirale infernale, tout se répète. Un quotidien réglé par la fornication. En opposition, Todd Verow a choisi comme parti pris d’illustrer les propos de Nail par des images à priori décalées. Alors qu’on nous parle de soumission, d’orgasme, on voit des images volées d’une ville ou l’autre, des visages plus ou moins flous.
S’il est bel et bien question ici d’un film expérimental c’est avant tout en raison du format choisi. Avec sa caméra de téléphone portable super cheap, le réalisateur nous offre des images extrêmement pixelisées. De là à dire que toutes les rencontres sexuelles de Nail l’amènent à mener une existence fragmentée, décomposée, il n’y a qu’un pas. Les garçons et les hommes qu’il rencontre sont comme des images volées, des images en fuite. Si au départ on peut être un poil réticent face à l’idée de passer 1h15 devant un film pixelisé où rien ne sera vraiment « net », on se surprend à être rapidement embarqués. Certains plans ressemblant même à de grandes œuvres impressionnistes. La rapidité de la ville y laisse place à des corps masculins dénudés, des derrières cambrés puis des palmiers, une plage…Todd Verow s’est ainsi offert un petit tour du monde pour capter des images de Paris, Berlin, des Etats-Unis, du Brésil…
Le moins que l’on puisse dire c’est que Hooks to the left est une curiosité. Avec sa musique électro entre rythmes dansants de clubs gay et mélancolie inattendue, avec la force visuelle abstraite et son texte qui tourne à l’obsession. Du tour du monde au tour de soi, les cinéphiles amateurs d’expériences seront servis.
Produit en 2006 / Disponible en import DVD et VOD sur Vimeo