FICTIONS LGBT

HUSTLER WHITE de Bruce LaBruce : bas-fonds gays de Santa Monica

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Jürgen Anger (Bruce La Bruce) débarque à Santa Monica pour recueillir des témoignages sur la vie de la ville et les coulisses de Hollywood. De sa voiture, il aperçoit un jeune gigolo dont il tombe instantanément amoureux. Ce gigolo, c’est Montgomery Ward (Tony Ward) : grand, musclé, imberbe, coupe très 90’s, air nonchalant, regard de braise. Hustler White suit ses péripéties dans le milieu de la prostitution, milieu désillusionné et flirtant continuellement avec le glauque. Les clients aux perversions très ciblées, la soif d’argent…Le quotidien de Montgomery n’a rien d’un rêve. Lui qui a toujours rêvé de se baigner dans un jacuzzi, ira-t-il au bout de ses envies ? Et si l’amoureux transi Jürgen Anger pouvait lui apporter ce qu’il désire ?

hustler white bruce labruce

Film gay culte, Hustler White nous plonge avant tout dans le quotidien des gigolos de Santa Monica. La recherche de clients et d’argent, les désirs débridés des uns et des autres. On est en plein cœur d’un cinéma américain underground qui n’est pas sans rappeler dans ses meilleurs moments les films de Paul Morrissey et Andy Warhol. Il y a cette désinvolture de Montgomery Ward, bimbo boy qui use, abuse et se fait abuser de ses charmes. L’œuvre commence comme un thriller : Montgomery est comme mort dans un jacuzzi et nous allons découvrir comment il en est arrivé là. Mais on passe très vite dans un registre à la frontière de la parodie, au second degré presque constant. Attachant, émouvant et tordant est le personnage tenu par Bruce La Bruce : écrivain qu’on suppose un brin raté, obsédé par un mystérieux gigolo, qui confond désir et amour et qui parle à son magnétophone en s’emballant. Le tout à un côté indéniablement cool mais il serait dommage de résumer le film à ce seul aspect.

Car au côté « indie trash cool » s’oppose un véritable regard documentaire sur la prostitution masculine. Difficile d’oublier les nombreuses scènes chocs. Connu pour mélanger cinéma d’auteur et cinéma x dans certaines de ses oeuvres, Bruce La Bruce nous offre des scènes de sexe explicites et dévoile peu à peu de nombreuses facettes des pratiques sado-masochistes. Un client se travestit en femme pour une séance de momification avec son jeune prostitué ; un vieil homme se fait attacher et séquestrer ; un jeune gigolo se rend à un mystérieux rendez-vous qui est en fait un gang bang avec des hommes noirs vicieux qui vont tester son endurance. Hustler White joue indéniablement avec notre curiosité, la fascination que nous pouvons avoir pour des images dérangeantes, entre désir et effroi, plaisir et souffrance. Autant dire que la vision du film n’est pas de tout repos.

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Si l’ensemble est volontairement déstructuré, sans limites, un peu inégal aussi, on ne pourra qu’apprécier la totale liberté du projet. On est souvent entre le rire et la répulsion. Comme quand un garçon se fait écraser le pied et que quelques temps plus tard il se sert de cette particularité pour fister un client ! Sans pathos, Hustler White nous plonge brutalement dans un univers où l’amour se mêle à l’obsession, où le narcissisme et la cupidité conduisent vers la solitude et parfois le morbide. Un spectacle qui ne nous ménage pas mais qui s’avère bel et bien passionnant.

Film sorti en 1996. Disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3