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Interview avec Nicolas Ly pour son EP « Rue de La Folie » : entre mystères, lumière, rêves et mélancolie

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Dès son tout premier morceau, Midnight Zone, Nicolas Ly a réussi à intriguer. Une pop entêtante aux influences années 1980 et un univers bien à lui. Des textes à double-tranchant, des ténèbres vers la lumière, jouant avec le mystère et l’abstraction pour nous plonger dans le tourbillon grisant et toujours obsédant des sentiments. 

Depuis ce titre inaugural, c’est peu dire qu’il ne nous a pas déçus. En mode pop élégante, entraînante et entêtante avec Troisième sous-sol ou en mode ballade onirique avec Elle souriait en passant par la très vivante piste Rue de la Folie : Nicolas Ly navigue entre les genres et les influences avec décontraction, porté par sa belle sensibilité. 

Il vient de sortir son premier EP en solo, appelé Rue de la Folie, en hommage à la Rue de la Folie-Méricourt à Paris où il vit et où il a donné naissance aux 6 morceaux de ce disque. Une rue constamment en mouvement, à la fois décor et métaphore parfaite pour évoquer les hauts et les bas du coeur qui importent tant à leur auteur. 

Comme il le dit sur la chanson qui ouvre son EP, Sans crier gare, Nicolas Ly pose ici son coeur sur la table. Il livre ses secrets, ses obsessions, ses questionnements, va creuser au plus profond de lui même, « jusqu’à l’os », quand sa plume ne s’anime pas au milieu de la nuit, portée par des rêves aux mélodies entêtantes. 

Ce premier disque très intime, au souffle romantique, est un beau sans-faute qui oscille entre pop moderne, influences eighties, chanson française et soul. Nicolas Ly ne choisit pas entre les pistes dansantes et les ballades hantées comme il ne voudrait pas choisir entre l’ombre et la lumière car on le sait : la beauté se trouve souvent pile au milieu, au coeur des forces contraires. Qu’il se confronte aux douleurs infernales (Bleu comme l’enfer) ou qu’il aime à sa façon en guettant en mode Night Vision, l’artiste garde toujours côté mélodies ce je ne sais quoi qui scintille, comme un coeur qui ne peut s’arrêter de battre malgré les coups. 

Coup de coeur oblige, popandfilms se devait d’aller rencontrer cette belle révélation pop de 2021. Un café pris « Rue de la Folie », en mode simple et décontracté. Et puis après, une petite ballade dans un square pour quelques photos prises par Franck Aubry

Interview avec Nicolas Ly

Photos par Franck Aubry 

nicolas ly rue de la folie interview

Ton EP s’intitule Rue de la Folie et il est dédié à cette rue où tu vis et où tu as composé ce disque.  Peux-tu nous parler d’elle et de comment elle influence ta musique ? 

C’est  une rue où il y a des marginaux, des gens pas dans le moule, qui se démarquent, qui ont leur propre caractère, que j’observe, qui m’inspirent, qui nourrissent les personnages de mes chansons. 

C’est aussi une rue qui a traversé beaucoup de déboires, avec notamment les attentats de novembre 2015. 

C’est un quartier qui s’est relevé. 

Travailler dans cette rue, dans Paris, a pour moi quelque chose qui relève de la recherche de la magie. Paris est pour moi un peu austère et c’est pour ça que je l’aime. Il y a quelque chose d’impressionnant dans cette ville, quelque chose de mystérieux et d’éminemment romantique.

Cet aspect romantique ressort beaucoup à l’écoute de l’EP… 

Je suis un romantique et j’assume ! Cet EP parle de l’amour, du manque, de la nuit, du mystère aussi. J’aime les mystères. J’aime quand les choses ne sont pas évidentes. Par exemple, ce qui me fascine dans les films de Hitchcock c’est sa façon de filmer des scènes d’amour comme des scènes de crime. Je pense que c’est un peu ce que je recherche à travers ma musique. Une forme de danger mêlée à un besoin d’amour, de tendresse, de sensualité. 

J’aime aussi les paradoxes. Aller toucher près de l’os, que ce soit douloureux mais avec une forme de luminosité, de jovialité presque. Aller vers là où ça fait mal mais en gardant une forme de légèreté.

Une rupture amoureuse, c’est douloureux mais c’est pas la fin du monde. On se relève toujours. C’est même je pense une bonne chose de tomber, c’est tout bénef’ : on touche le fond, on fait le tri, on met ou on prend un bon coup et puis on remonte. Il y a de la beauté dans la résilience. 

Tu as pris ton temps pour donner naissance à ce premier disque. Peux-tu revenir sur le chemin parcouru ? 

J’ai toujours écrit de mon côté, fait des petites prods sur mon ordinateur. Au départ c’était plutôt des choses assez sombres et en anglais, avec en influence des groupes comme Portishead. Je pense qu’à mes touts débuts il y avait quelque chose qui relevait de l’ordre du mal-être adolescent et je traduisais ça en musique. 

J’ai passé 8 ans au sein d’un groupe rock, Applause, qui a bien marché en France et en Belgique. 

C’était une expérience hyper dense et hyper riche pour moi. Après ces 8 années, en 2016, j’ai commencé à refaire vraiment des choses tout seul de mon côté. Et j’ai mis tout ce temps à trouver mon son à moi, notamment grâce à des rencontres déterminantes. Avec Damien Keyser notamment qui est un super guitariste et compositeur qui m’a beaucoup conseillé. En collaborant avec lui, j’ai compris que j’avais envie de me rapprocher de l’auditeur, de simplement essayer de toucher les gens et de partager quelque chose avec eux. Au bout d’un moment, j’ai lâché mes chansons crépusculaires de 8 minutes (rires) . 

Damien m’a fait rencontrer Loumir Orsoni et Elisa Baudoin de l’agence Raisonance. Ils sont un peu devenus ma deuxième oreille. Ils m’ont encouragé à chanter en français. J’avais à l’époque écrit une dizaine de chansons en langue française mais je n’étais pas encore sûr de me lancer. Cette rencontre a été une révélation et m’a donné le courage d’y aller.  Depuis 2017, j’ai dû créer une centaine de démos. Six d’entre elles sont désormais sur ce premier EP. C’est l’aboutissement d’un parcours, jalonné de rencontres avec des musiciens, des artistes de tous horizons de la musique au cinéma en passant par le monde de la mode. Et c’est aussi le début d’une aventure solo qui est plus proche de mon coeur que jamais. 

Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création, comment tu écris et composes ? 

Je noircis des pages avec mes états d’âme, avec ce que je vois en observant ce qui se passe dans la rue ou dans les cafés. J’aime mélanger mon expérience à ce que je vois des autres. 

J’ai un rapport à l’écriture qui est très spontané. A travers mes chansons je m’adresse à quelqu’un, je ne sais pas vraiment encore à qui, peut-être un peu à moi parfois. Il y a un besoin d’aimer et d’être aimé qui est très fort chez moi et je pense qu’on ressent tous un peu ça. 

Pour la composition, je fonctionne un peu en puzzle. Parfois je me réveille au milieu de la nuit avec une idée de mélodie et je l’enregistre tout de suite, pour l’attraper, pour ne pas la perdre. C’est ce qui s’est passé avec Elle souriait et c’était comme une sorte de moment sacré. 

Je travaille mes maquettes dans mon coin et puis je les fait écouter à mon équipe. Parfois je vais au bout tout seul. Et sur d’autres morceaux je collabore avec d’autres musiciens et artistes comme c’était le cas par exemple avec Damien Keyser pour mon morceau Troisième sous-sol. Il m’a proposé cette instru et les paroles me sont venues en tête naturellement alors que je marchais dans la rue. 

Pour Bleu comme l’enfer, j’ai écrit en pensant au divorce de mes parents. C’était une sorte d’exorcisme.  Ce titre était là, éthéré, et je voulais que ce soit plus précis, il me manquait quelque chose. J’ai rencontré la parolière Sandra Nicol et elle a amené ces mots qui ont tout changé : « Je voyais de l’amour dans tes poings et j’oubliais tout au matin ». 

Ma musique est faite comme ça : elle vient du plus profond de moi-même, de rencontres, de premières impressions, d’accidents. 

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Tu mélanges aussi pas mal les genres. Peux-tu partager quelques-unes de tes influences ? 

Je n’ai pas de stratégie de cohérence de son. J’aime pouvoir faire une chanson qui joue sur les influences années 1980 et qui d’un coup va s’inspirer de Giorgio Moroder. J’essaie de prendre le meilleur de ce que j’aime, je fais un shaker dans ma tête et ça sort naturellement

Pour ce qui est des influences, elles sont hyper variées : ça va du classique avec Béla Bartók à Madonna époque True Blue, en passant par Cocteau Twins ou Portishead pour l’aspect mélancolie lumineuse.  Dernièrement, j’ai beaucoup écouté St. Vincent et Sufjan Stevens. J’aime aussi écouter du rap : je suis sensible aux paroles de Damso, à ce que propose PNL. C’est une cuisine musicale de toutes les saveurs. 

Après cet EP, j’ai pour projet de sortir un album dans lequel je vais encore explorer d’autres chemins. J’ai collaboré avec Crayon dont la musique est pour moi de l’art total. Mon album devrait aussi aller du côté de la disco italienne… 

Les clips qui accompagnent tes morceaux ont une atmosphère très particulière. Peux-tu nous en parler ? 

Ces clips résultent avant tout de ma rencontre avec Elisa Baudin. Elle a un peu débuté son travail sur l’image en même temps que moi je débutais avec ma pop en français. Il y a eu une connexion, on s’est compris, on avait beaucoup de références communes. 

Quand on travaille ensemble sur un clip, on y va, on ne se pose pas de questions. Mes textes sont sacrés pour moi et avec elle je me sens en confiance. On aime chercher ensemble de la beauté dans des choses plus sombres, flirter avec le danger, chercher une forme de lumière, de mélancolie glorieuse. 

Après une période difficile pour les artistes liée à la pandémie mondiale, les concerts vont enfin reprendre. Tu as hâte ? 

Tellement ! Je pense qu’en tant qu’artistes indépendants on est habités par une rage, une rage d’amour : ça va faire du bien de retrouver le public.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3