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Interview avec Yorgos Tsiantoulas pour « The summer with Carmen »

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À la vision du film The summer with Carmen de Zacharias Mavroeidis, on tombe fou amoureux de lui. Yorgos Tsiantoulas va en faire rêver plus d’un dans la peau de l’adorable et immensément sexy Demosthenes. Super grand, super barbu et poilu, il a tous les attributs physiques du mâle viril qui fait fantasmer les gays. Le film a la bonne idée de faire comme si son personnage n’avait pas tout à fait conscience de son immense aura sexuelle et pouvoir de séduction. Demosthenes est un garçon attachant, sensible, sentimental qui évolue dans un univers coloré, fantaisiste et ensoleillé. Un total bonbon pour un film à thématique gay réjouissant, qui fait du bien. 

Yorgos Tsiantoulas était de passage à Paris il y a quelques semaines pour faire la promotion de ce long-métrage feel good. Popandfilms a eu le plaisir de le rencontrer et a même réussi à lui poser quelques questions sans être trop troublé par son charme enivrant. 

Yorgos Tsiantoulas

Comment t’es-tu retrouvé dans « The summer with Carmen » et qu’est-ce qui t’attirait dans ce projet ? 

De la façon la plus classique : en passant une audition. La période de casting a duré plus ou moins un mois. J’ai eu la chance d’être choisi et le tournage a commencé un peu plus d’un an après. 

Ce qui m’a séduit en premier c’était le scénario. Ça a vraiment été le coup de foudre. Quand je l’ai lu, j’étais dans une sorte d’euphorie, je sautais au plafond. Je me suis dit « Enfin une histoire gay amusante et solaire : c’est ça qu’on veut voir aujourd’hui ! » . Je connaissais déjà le travail du réalisateur, Zacharias Mavroeidis, et j’aimais son écriture à la fois sensible et très précise, et sa façon de réaliser aussi. 

Avant ce film, tu avais surtout fait du théâtre et des performances. Et souvent des performances assez physiques, s’appuyant sur le corps…

Je viens du théâtre, j’ai fait le Conservatoire, j’ai suivi une formation assez traditionnelle. Ce sont surtout mes rencontres avec des artistes et metteurs en scène comme Romeo Castellucci et Dimitris Papaioannou, avec qui j’ai eu la chance de travailler,  qui m’ont amené à expérimenter réellement et à explorer le travail sur le corps à travers l’art. Pour certaines pièces, j’ai pu me retrouver nu sur scène et c’était un véritable challenge pour moi. Petit à petit j’ai appris à être à l’aise avec ça.

Ce qui est super avec le théâtre et les performances, c’est qu’on a un retour instantané sur ce que l’on fait. A la fin de la représentation, on a la réaction du public. Quand on tourne un film, c’est un exercice différent, de longue haleine. On a du mal à imaginer comment ce que l’on tourne va rendre et comment les gens vont réagir. Il faut patienter des mois avant de le savoir. Quand le film a eu son avant-première à la Mostra de Venise, j’ai ressenti quelque chose de l’ordre du trac avant de monter sur scène. Et la réaction du public valait tous les applaudissements qu’on peut recevoir à la fin d’un spectacle, c’était hyper satisfaisant. 

Pour ce qui est du travail sur le corps pour The summer with Carmen, c’était une nouvelle expérience pour moi. Se retrouver nu à tourner une scène d’intimité avec un mec devant toute une équipe technique c’est quelque chose (rires) ! Mais c’est la beauté du cinéma et des bonnes équipes de tournage : tu as des dizaines de personnes qui sont là au même endroit et qui se donnent à fond pour le même projet. Quand tu es bien entouré, tu te laisses aller. Je me suis senti en phase et protégé, à l’aise.

Yorgos Tsiantoulas

Quelle réaction as-tu eu quand tu as vu le film la première fois ? 

J’étais impatient de le voir évidemment. J’avais vraiment envie de le découvrir sur grand écran et c’est arrivé au Festival de Venise. Tu sais, tourner un film c’est un peu comme si tu cuisinais pour quelqu’un et puis d’un coup tu mets ce que tu as préparé au congélo pendant un an et demi et après seulement tu peux le partager et y goûter. 

Sincèrement, la projection a été un choc pour moi. Moi je me vois un peu comme un clown, je ne me prends vraiment pas au sérieux et cela m’a fait bizarre de me voir filmé et sublimé comme ça, filmé avec beaucoup de sensualité. Je ne suis pas comme Demosthenes, mon personnage. Je le trouve bien plus confiant que moi. 

Je ne vais pas mentir, j’avais un peu peur de comment allait rendre ce qu’on avait filmé car il y a pas mal de scènes très intimes. Je savais que je pouvais faire confiance au réalisateur mais malgré tout forcément quand on sait qu’il y a beaucoup de scènes de nu et d’intimité, il y a toujours une crainte qui subsiste. Le résultat a été ce que je pouvais espérer de mieux : dans le film la sexualité est célébrée, joyeuse, sexy, ludique, ce n’est pas du sexe vulgaire et cheap. The summer with Carmen est plein de sensualité et de douceur avant tout. 

Comment décrirais-tu ton personnage ? 

Demosthenes est un mec qui se cherche, beaucoup. Il essaie de se trouver, de comprendre qui il est vraiment. Une chose que je partage avec lui , c’est sa façon de jongler avec plusieurs rôles dans sa vie. Si tu y prêtes attention, tu remarqueras qu’il est une personne complètement différente selon la personne qui est en face de lui. Il n’est pas du tout le même avec sa mère que celui qu’il est avec son partenaire, ses amants et il est une autre personne aussi avec son meilleur ami. Jouer ces différents rôles peut nous amener à ne plus trop savoir qui l’on est vraiment au final. On peut se sentir confus, perdu. 

Je pense que c’est quelqu’un qui essaie d’évoluer, de s’améliorer, de montrer aux autres et à lui-même qu’il peut changer. Est-ce qu’il y arrive vraiment ? La fin du film et les dernières répliques répondent joliment à cela je trouve. Change-t-on vraiment ou a-t-on juste besoin de croire que l’on a changé pour considérer que c’est le cas et provoquer ça pour de vrai ? 

Yorgos Tsiantoulas

Yorgos Tsiantoulas

Que préfères-tu chez lui et qu’aimes-tu le moins ? 

J’aime son audace. Il a une façon d’obtenir ce qu’il veut des gens avec une certaine décontraction et aisance. Ça ne marche pas toujours mais il essaie, avec sa façon de faire bien à lui. Notamment avec son meilleur ami Nikitas, il sait mener sa barque pour que les choses aillent dans un sens qui est en sa faveur. J’aimerais parfois être un peu plus comme ça.

Ce que j’aime moins chez lui c’est peut-être sa difficulté à communiquer avec son père. Pour moi il y a quelque chose qui n’est pas tout à fait achevé dans cette relation entre eux et moi j’aime quand les choses sont résolues. Je suis aussi, comme beaucoup de grecs je pense, très attaché à la famille, à sa force protectrice. 

Ce qui fait qu’on tombe sous le charme de Demosthenes dans ce film, c’est aussi son aspect enfantin, mignon, presque cartoonesque… 

Je pense que Zacharias Mavroeidis a intégré au personnage cet aspect de moi qui aime faire le rigolo. Dans un groupe d’amis je suis celui qui n’a pas peur du ridicule et qui aime amuser la galerie. Et je suis un grand fan de cartoons ! 

J’espérais en tournant le film que l’on pourrait bien sentir que Demosthenes n’est pas qu’un mec qui est un physique, qu’il ait aussi une drôlerie et des failles car c’est ça qui est intéressant chez quelqu’un. Et j’étais ravi de voir que c’était le cas en découvrant le film fini. 

La masculinité est au coeur du film qui montre deux personnages aux masculinités différentes : Demosthenes qui est très viril et puissant physiquement et Niktas qui a une personnalité plus fluide, queer et frêle… 

On peut être queer de pleins de façons différentes. On est des humains et chacun est unique et a sa façon d’être bien à soi. Le réalisateur tenait à jouer sur le contraste, sur deux personnages aux allures et tempérament contraires qui à la fois peuvent s’allier à merveille, se compléter, mais aussi s’affronter, s’opposer, se bousculer. 

On a travaillé avec Andreas Labropoulos, l’interprète de Nikitas qui est mon meilleur ami dans le film, avec un coach d’acting et un coach pour les mouvements qui nous ont guidé pour vraiment chercher, créer et trouver nos personnages par leur façon de se tenir, de bouger. On a répété pendant plus d’un an. On a chacun fait des recherches, expérimenté pour voir comment on pouvait faire marcher ce contraste à l’écran. 

C’était clairement essentiel pour Zacharias Mavroeidis qui tenait avec son film à montrer comment ces deux mecs si différents ont besoin d’être dans la vie l’un de l’autre. 

Pour moi c’était passionnant de travailler sur les différentes façons d’être de Demosthenes. Il n’agit et ne se tient pas de la même façon selon le contexte et l’endroit. Sur la plage naturiste, il fait un peu son coq. Au bureau il est étonnamment rigide, même assez timide. Et avec sa mère il se tient comme un petit garçon. Et c’était très amusant aussi de voir comment ces différents visages allaient avec différents costumes, façons de s’habiller. 

Yorgos Tsiantoulas

En voyant le film, qui joue sur l’aspect « film dans le film » ou « film en train de se créer à l’écran », le spectateur peut se demander s’il y a eu beaucoup d’improvisation ou si tout était très écrit. Qu’en est-il ? 

Il y a eu je crois quatre versions du scénario avant qu’on tourne. Zacharias Mavroeidis est un réalisateur qui est très observateur, qui se nourrit de ce qu’il voit et qui va pouvoir faire évoluer ce qu’il a écrit en fonction de ce qu’il a remarqué chez ses acteurs ou sur le cadre où la scène va être filmée. Certaines séquences sur la plage naturiste ont ainsi pu changer au moment du tournage. On a aussi modifié certaines répliques et blagues en fonction de comment rendaient les prises. Ça n’était pas figé et c’était très plaisant. 

Le titre du film fait référence au personnage de Carmen, qui est un chien. Comment c’était de tourner avec un animal ? 

J’avais déjà travaillé sur scène avec des animaux, notamment avec des chevaux et des singes au théâtre. Mais ils n’avaient pas une place aussi importante que celle de Carmen dans le film qui est vraiment mon binôme à l’écran. 

Le réalisateur voulait un chien qui soit en phase dans ses émotions avec ce qu’il imaginait de Demosthenes : il voulait un animal mignon mais aussi un peu effrayé par les choses, craintif, quelqu’un qui dit avec ses yeux « Aime-moi ». 

L’histoire derrière la vraie Carmen est en touchante : c’était une chienne errante. Elle a été recueillie et adoptée mais elle avait encore des traumatismes, du mal à se sociabiliser. Quand on a commencé le tournage , elle avait très peur de moi. On ne se connaissait pas. Et je vais vous faire une confidence : de mon côté, ma mère avait peur des chiens et je pensais qu’elle m’avait refilé ça donc j’avais peur moi aussi !

L’une des plus belles choses qui s’est passée pendant ce tournage qui a duré 25 jours c’est que chaque jour, elle a évolué et elle s’est rapprochée de moi. Et moi j’ai compris que je n’avais finalement pas peur des chiens. On s’est fait confiance. Dans le film on peut observer comment elle est passée de craintive à sociable et moi je trouve ça beau à voir.

Yorgos Tsiantoulas

The summer with Carmen est ton premier long-métrage en tant qu’acteur après le théâtre et des rôles dans des séries télévisées. Avec qui rêverais-tu de collaborer ? 

Est-ce que j’ai vraiment le droit de rêver ? (rires) Bon, alors je dirais Pedro Almodóvar : je suis hyper fan de sa façon de réaliser et sa façon unique de raconter des histoires. Un autre rêve serait de tourner un jour avec Yórgos Lánthimos qui a aussi un univers singulier qui me parle beaucoup. Si quelqu’un a leur numéro je suis preneur. 

Quelle question aurais-tu aimé que je te pose ? 

Je trouve ça toujours amusant de parler des choses qui sont moins évoquées ou retenues par la plupart des gens. Il y a un passage du film sur lequel j’aimerais revenir et attirer l’attention. Il y a une respiration à un moment avec un passage musical. Dans ce passage, on retrouve la drag queen Aria Di Vine. Et bien sachez que vous la voyez également en out of drag dans le film : son interprète joue aussi le rôle du garçon timide de la plage naturiste. Je trouve que c’est un détail amusant et même sur le tournage tout le monde ne s’en était pas forcément rendu compte. J’aime beaucoup cette séquence musicale. Elle a été réalisée en hommage à l’une de nos actrices les plus iconiques en Grèce, un peu notre Brigitte Bardot à nous : ΑΛΙΚΗ ΒΟΥΓΙΟΥΚΛΑΚΗ. J’adore ce genre de références dans les films et je vous invite à découvrir l’extrait musical dont on s’est inspiré qui est sur Youtube

The Summer with Carmen est à voir au cinéma dès ce mercredi 19 juin 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3