CINEMA
IT COMES AT NIGHT de Trey Edward Shults : chaos
Jusqu’où serions-nous prêts à aller au coeur du chaos pour sauver notre peau et celle de notre famille ? C’est une des questions abordées dans It comes at night de Trey Edward Shults qui s’appuie sur une mise en scène bien tendue comme il faut.
Un obscur virus a ravagé le monde. Il se transmet d’humain à humain et on l’attraperait même par les animaux. Une fois infecté, les yeux deviennent rouges et des plaques apparaissent sur le corps et le visage. Difficultés respiratoires, fièvre et puis la fin… Le film s’ouvre sur Paul (Joel Edgerton) face au grand-père de la famille qui a été contaminé. On lui dit que ça va aller, qu’il faut qu’il lâche prise. On l’emmène dans la forêt à côté de la maison, on le tue, on le brûle. Pas le choix : pas question de prendre le risque d’attraper la maladie et de mourrir à son tour.
Pour se protéger, Joel, sa femme Sarah (Carmen Ejogo) et leur fils Travis (Kelvin Harrison Jr.) portent des masques à gaz quand ils sortent. Ils limitent les sorties au maximum, survivent en mangeant ce qu’ils arrivent à récolter. La mort de son grand-père affecte particulièrement Travis, d’autant plus qu’il a vu son père l’achever. Il devient sujet à des cauchemars et terreurs nocturnes où il s’imagine devenir le prochain contaminé.
Un jour, un inconnu (Christopher Abbott) débarque chez eux. Attrapé, il dit qu’il pensait que la maison était inhabitée. Il cherche des vivres pour sa femme et son petit qui sont restés à l’attendre à quelques dizaines de kilomètres. Paul n’est pas sûr de pouvoir lui faire confiance : en ces temps chaotiques, c’est clairement chacun pour soi. Lui et sa famille se laissent pourtant convaincre par sa bonne foi et acceptent même de lui venir en aide et d’accueillir sa famille. Ils se disent qu’en étant plus nombreux ils pourront mieux faire face à d’éventuelles attaques.
L’arrivée de cette nouvelle famille apporte de la vie, un air frais nécessaire pour estomper les blessures du récent deuil. Mais si Paul les apprécient, il reste sur ses gardes…
Décors réduits à l’essentiel (une maison et une forêt), atmosphère fin du monde et huis-clos : It comes at night montre la détresse et l’horreur du quotidien d’une famille en pleine survie. Il n’y a plus de ville, de magasins, de voisins, de télévision, de divertissement. Seule compte la survie et les efforts pour éviter d’être contaminé par un obscur virus en espérant que personne ne débarque pour voler et tuer…
On embrasse rapidement le regard de Travis, jeune homme qui sort à peine de l’adolescence, un peu timide et qui n’a clairement aucune perspective d’avenir. Comment continuer à grandir, à vivre, quand plus rien ne semble possible et que l’on voit des membres de sa famille mourrir devant ses yeux ? Il n’y a plus que quelques joies simples : les moments en famille, l’attachement à un chien, les repas, quelques jeux bricolés…
Dès qu’un élément extérieur fait surface, il fait logiquement l’effet d’une menace. Le réalisateur joue parfaitement de la paranoïa ambiante et instaure un suspense par la force de sa mise en scène qui nous fait ressentir l’urgence et la peur des différents protagonistes. Tout et tout le monde peut être dangereux.
Si l’intrigue peut paraître un peu simple, la forme est très maîtrisée et Trey Edward Shults impose un véritable style de cinéaste. Le moindre petit détail devient effrayant, et ce qu’il soit visible ou même invisible. Combien de temps peut-on rester humain et avoir un coeur quand tout s’écroule et que le danger de mort est constant ? Petit à petit , par la force des choses, l’homme n’est-il pas condamné à se comporter de façon primitive pour assurer sa survie ?
Jusqu’à un final d’une rare noirceur, It comes at night ne laisse aucun répit et plonge le spectateur dans un profond état d’angoisse sans avoir recours à des artifices futiles. Un très bon film de genre.
Film sorti en 2017. Disponible en DVD et VOD