FICTIONS LGBT
JEUNES FILLES EN UNIFORME de Leontine Sagan et Carl Froelich : passion de jeune fille
C’est un des premiers films marquants de l’Histoire du cinéma à aborder le thème de l’homosexualité au féminin : Jeunes filles en uniforme (Mädchen in Uniform) nous plonge dans un internat où les désirs entre une élève et une professeure deviennent de plus en plus ambigus.
Allemagne, quelques temps avant la Première Guerre Mondiale. Manuela von Meinhardis (Hertha Thiele) fait son entrée dans un internat de jeunes filles à Potsdam, dirigé par une directrice pour le moins intransigeante (Emilia Unda). Si Manuela est là, c’est parce que sa mère est morte et que son père militaire ne peut s’occuper d’elle. Encore très affectée par la disparition de sa maman, la jeune adolescente peine à cacher sa mélancolie.
Cette entrée à l’internat sera faite de petits moments de joie avec ses camarades, dont certaines ne ratent aucune occasion de faire des bêtises. Mais le quotidien reste très dur, avec une discipline quasi-militaire. Ça ne rigole pas sur les règles et l’éducation.
En opposition à la directrice d’une dureté redoutable, il y a la douce professeure Mademoiselle von Bernburg (Dorothea Wieck). Plus humaine, plus proche des élèves, elle fascine instantanément Manuela qui voit à la fois en elle une mère de substitution et un objet de désir. Très troublée par la beauté angélique et l’amour que lui porte Manuela, l’adulte ne va pas réussir à mettre des barrières pourtant nécessaires. Leur relation ambigüe va finir par faire scandale…
C’est un drame troublant, attachant et émouvant que propose la réalisatrice Leontine Sagan, accompagnée à la réalisation par Carl Froelich. Jeunes filles en uniforme témoigne d’une grande audace pour un film du début des années 1930 racontant assez franchement la fascination et la passion d’une adolescente à fleur de peau pour sa professeure. On retrouve la beauté rétro des drames des années 1930, la tension d’une intrigue en huis clos, le charme des films d’internat (avec ses scènes de rigolade collective et de rebellions) et les désirs saphiques qui peuvent régner dans ce genre d’établissements uniquement constitués de femmes et d’adolescentes.
Manuela est en quête d’une figure féminine à aimer, profondément heurtée par la mort de sa mère. La douceur et la beauté de Mademoiselle von Bernburg la réconfortent, pansent ses blessures mais sa passion sans limite va peu à peu la consumer. Car, même si elle est elle aussi attirée, Mademoiselle von Bernburg ne peut se lancer dans une romance avec une jeune élève… Ce personnage est particulièrement intéressant car au final la prof est aussi perdue, si ce n’est plus, que son élève. Plutôt que de réfréner les ardeurs de Manuela, elle les attise que ce soit lors d’une scène mythique où elle l’embrasse sur la bouche dans le dortoir pour lui dire bonne nuit ou quand elle lui offre un jupon…
La mise en scène dispose de passages troublants, notamment à travers des scènes collectives où l’on voit l’éducation militaire, à la fois très graphique et inquiétante, prodiguée par l’établissement. Si aujourd’hui la trame peut paraître assez classique, elle est incarnée avec assez de force et de passion pour continuer de susciter l’émotion. Il faut dire combien dans la peau du personnage de Manuela la jeune comédienne Hertha Thiele est à la fois belle et bouleversante.
Film sorti en 1931