CINEMA

LA FILLE SUR LA BALANÇOIRE de Richard Fleischer : gare à la chute !

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Amérique, années 1900. Evelyn Nesbit (Joan Collins) est une jeune fille naïve, un peu légère, qui traîne dans les coulisses d’un cabaret où sa mère officie comme costumière. Après avoir posé pour la couverture d’un prestigieux magazine, elle est engagée comme danseuse dans un spectacle.

Elle attire rapidement le regard de Harry K. Thaw (Farley Granger), un jeune riche aux mauvaises manières et au sang chaud qui essaie par tous les moyens de se faire respecter dans toute la ville. Mais Evelyn a la tête ailleurs : elle va rencontrer le séduisant et très prisé architecte Stanford White (Ray Milland). Un homme heureux en ménage avec une femme fidèle et dévouée. Un homme qui pourtant va être instantanément attiré par la fraîcheur de la jeune danseuse.

Une liaison commence et Evelyn ne tarde pas à tomber amoureuse et souffrir d’être « l’autre femme ». Pendant ce temps, Thaw continue de lui faire la cour, plus ardemment que jamais. Et pour cause : depuis des années, Thaw développe une véritable haine à l’encontre de Stanford White. Evelyn représente alors pour lui l’occasion unique de prendre sa revanche. A la fois désirée et délaissée, victime et bourreau, Evelyn perd petit à petit ses illusions et son innocence. Alors que White souhaite mettre un terme à leur relation, Thaw la demande en mariage. Acceptant la demande, Evelyn sans le savoir joue à un jeu très dangereux…

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Tiré d’un fait divers qui inspira également dans les années 2000 Claude Chabrol pour La fille coupée en deuxLa fille sur la balançoire (The Girl in the red velvet swing en VO) est une œuvre à la fois drôle, flamboyante et dramatique. Alors que l’ingénue Evelyn nous amuse, l’incontrôlable Harry K. Thaw sème la terreur partout où il passe. Campé par Farley Granger, ce personnage secondaire hante tout le film de Richard Fleischer et représente une menace constante. Physique de jeune premier, élégance, air romantique : le riche héritier ne fait pourtant pas succomber Evelyn, banale danseuse de cabaret qui va prendre au fil du temps des apparences de princesse à conquérir. Ce n’est qu’un affront de plus pour le pauvre Thaw à qui l’on ne réserve jamais les bonnes tables au restaurant, que l’on craint et critique plus que l’on ne l’admire. Sa richesse, son succès ne servent à rien : en ville tout le monde vénère l’architecte – considéré comme un véritable artiste – Stanford White. Et Evelyn la première. De quoi faire enrager Thaw qui s’emporte rapidement et cède à l’appel de la haine, la violence.

Mais qu’a donc en plus ce fameux architecte vieillissant ? White est un gentleman, du moins c’est ce qu’il est parvenu à faire croire. Il séduit Evelyn mais la laisse faire le premier pas. Il se plait à en faire sa maitresse mais la laisse constamment dans l’incertitude. Il la congédie mais refuse qu’elle refasse sa vie avec Thaw, son ennemi. A quel jeu joue-t-il ? Est-il vraiment sincère ? L’amour se présente ici comme un jeu dangereux, à l’image de cette scène mémorable où Evelyn s’installe sur la balançoire privée de son amant. Il la pousse, de plus en plus fort. Un geste quasi-sexuel, la jeune femme s’envole vers le plaisir, la lune artificielle. En partie filmée en caméra subjective, cette scène génère un certain malaise. Elle est à la fois érotique et morbide : on a peur que White pousse Evelyn trop fort et qu’elle s’envole à jamais. Evelyn, cette femme fragile, qui aux yeux de son amant serait aussi bien sa maitresse que sa petite fille sur laquelle il se sentirait obligé de veiller…

Gare à l’amour, gare à la balançoire. On a vite fait de se casser la figure à trop s’emporter. D’apparence naïve, Evelyn maitrise toutefois parfaitement son pouvoir de séduction et en joue sans pudeur. Mais qui est-elle vraiment ? Ne serait-elle pas qu’une image pour les deux hommes qui la courtisent ? Celle de la promesse d’un nouveau départ, d’une jeunesse retrouvée pour l’architecte et celle du début d’une vie respectable, une femme trophée pour Thaw…Au jeu des sentiments, tout le monde à toujours quelque chose à perdre. Un triangle amoureux c’est déjà compliqué, mais quand il y a dans le lot un homme comme Thaw, le pire est à envisager. Sa jalousie, ses blessures trop intériorisées vont le pousser de plus en plus vers les extrêmes. Il forcera Evelyn à lui avouer des choses qu’elle n’a jamais faites afin de trouver une raison suffisante pour faire exploser sa colère et démolir une bonne fois pour toute White, celui qui possède tout ce qu’il n’a pas et dont il rêve (l’amour, la gloire, une réputation solide).

Tous perdants ? Assurément. Stanford White, trop confiant, pourrait être pris au dépourvu. Trop impulsif, Thaw pourrait se laisser dépasser par ses pulsions destructrices. Habituée à avoir les hommes à ses pieds, Evelyn pourrait bien être surprise de constater que le duel entre ses deux soupirants achevé elle perdrait toute sa valeur… L’amour peut être un jeu cruel. La balançoire ne propulse pas seulement en avant, elle nous rejette aussi en arrière…

Film sorti en 1957 et disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3