CINEMA
LA LOI DU SILENCE de Alfred Hitchcock : tiraillements intérieurs
Québec. Otto Keller (O.E. Hase) tente de voler de l’argent à un riche avocat afin d’offrir à sa femme Alma (Dolly Haas) la vie qu’elle mérite. Mais l’opération tourne mal et accidentellement Keller tue celui qu’il était venu piller. Déguisé, portant une soutane, le malfrat rentre honteux au presbytère où le généreux Père Logan (Montgomery Clift) l’a employé et recueilli avec sa femme. Il confesse son crime à son bienfaiteur qui reste quelque peu sonné. Le lendemain, la police découvre le cadavre et commence son enquête.
Alors que Keller est nerveux à l’idée d’être démasqué, les preuves s’accumulent, accablant non pas lui mais le Père Logan. Des petites filles disent avoir vu la nuit du meurtre un prêtre sortir de chez l’avocat. Ce dernier faisait qui plus est chanter Logan et une de ses vieilles amies Ruth Grandfort (Anne Baxter) . Ils auraient eu une liaison… Incapable de trahir le secret de la confession, le religieux assiste médusé à une affaire qui tourne de plus en plus en sa défaveur…
Beau noir et blanc, le charme du Québec et surtout le regard à se damner de Montgomery Clift…La loi du silence (I Confess en VO) est un film d’Hitchcock étonnamment classique dans son récit. Certes il y a un crime, certes il y a le suspense de savoir si Michael Logan, homme droit et généreux, finira par s’en sortir, mais il manque au tout un peu de passion, de vigueur serait-on tentés de dire. Peut-être était-ce volontaire, l’action se déroulant en partie dans le monde des hommes de Dieu. Le silence est plus présent que d’habitude, on intériorise. A ce jeu-là, Montgomery Clift excelle. Il est à la fois ensorcelant de beauté et troublant d’humanité.
Jadis amoureux de Ruth (leur romance sera racontée via un flashback très romancé, pouvant presque paraître irréel, tel un fantasme) , Michael Logan a fini par devoir aller faire la guerre. Revenu du front, Ruth mariée à un autre, il décida de s’engager dans les ordres. Solution de substitution ? Visiblement non, l’homme prenant très au sérieux son rôle et refusant de trahir ses engagements, quitte à être condamné à la place d’un autre. Dans le rôle du méchant, O.E. Hasse est assez exceptionnel dans son genre, faisant d’Otto Keller un personnage pathétique, qui attriste au départ mais que l’on finit vite par détester.
Il est ici question de malentendus et de dérapages. Le vol de Keller qui se transforme en meurtre / Ruth qui se marie à un autre car elle pense que Logan ne lui reviendra pas avant de réaliser qu’elle s’est trompée / Une nuit de retrouvailles entre deux amants perdus qui donne lieu à un objet de chantage / Une enquête qui désigne un faux coupable…C’est aussi un film sur le manque, la frustration. Keller est persuadé qu’il n’est qu’à 2000 dollars du bonheur et n’en peut plus de voir sa femme trimer pour rien / Ruth est désespérée à l’idée de ne jamais pouvoir être à nouveau avec Logan…C’est enfin une œuvre sur l’engagement. Respecter le secret de la confidence plutôt que de prouver son innocence, épauler son mari même quand il a commis l’irréparable, être présent pour la femme qu’on aime même si elle est éprise d’un autre…Des thèmes forts, admirablement incarnés, mis en scène avec subtilité qui font que même si ce long-métrage n’a pas le panache des grands classique du Sir Alfred, il marque et émeut malgré tout. Un beau drame en somme.
Film sorti en 1953 et disponible en VOD