CINEMA

LA NAISSANCE DU JOUR de Jacques Demy : beauté du renoncement

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Colette (Danièle Delorme) va passer comme chaque année son été à la Treille Muscate. Il fait chaud, elle s’occupe de ses plantes puis rentre dans sa demeure et se souvient du passé. Elle se souvient des lettres de sa mère qui ne comprenait pas vraiment son intérêt pour cette « légèreté » qu’est l’amour. Colette se lance soudain dans l’écriture d’un ouvrage très personnel. Elle va tenter d’y raconter son rapport aux autres, aux hommes en particulier. Et voilà que son jeune ami, le beau Vial (Jean Sorel) vient lui tenir compagnie. Progressivement il y a de l’attirance dans l’air. Mais Colette préfère tenter de le pousser dans les bras de la jeune peintre Hélène Clément (Dominique Sanda), loin d’être insensible à ses charmes. Passé un âge, doit-on se résigner à ne plus désirer ?

Adaptation du roman du même nom de Colette, La naissance du jour est un téléfilm de commande réalisé par Jacques Demy, pour France 3, en 1980. Longtemps le cinéaste a hésité à se livrer à cette adaptation périlleuse qui relève du très long monologue. Lui qui aimait filmer un scénario original était d’autant plus sur ses gardes. Mais finalement touché par cette histoire, il ira à la Treille Muscate (là où vivait Colette) pour transposer ce témoignage féminin au cœur de son univers. On retrouve des tapisseries kitsch (bariolées, roses et bleues), beaucoup de couleurs et quelques tenues paraissant joyeusement improbables aujourd’hui (le maillot de bain de Vial/Jean Sorel, moulant à l’extrême).

Pour son adaptation, le cinéaste emploie beaucoup de voix off pour respecter le texte de Colette. Il filme Danièle Delorme en plein dans son processus d’écriture, filme des mots puis progressivement filme les conversations, les actions des protagonistes. Ici les mots, les regards, les gestes sont le plus important. On ne passe pas facilement à l’acte dans l’entourage de « Madame Colette ». De quoi jouer avec la frustration du spectateur qui attend que l’écrivain et le jeune homme finissent enfin par tomber dans les bras l’un de l’autre.

Mais si Colette est bel et bien attirée par Vial, elle est consciente qu’elle est en train de vieillir. Elle se sent souvent en symbiose avec sa défunte mère, elle s’entoure de plantes et d’animaux de compagnie. Elle regarde le monde, les gens, sans attaches ou troubles liés aux sentiments. D’un côté le désir, de l’autre une certaine peur mais aussi et surtout l’envie de se consacrer à soi, de fuir les tourments de la passion. Le rôle secondaire d’Hélène Clément, campé avec beaucoup de grâce par Dominique Sanda, est assez passionnant. Cette dernière devient en quelque sorte l’objet de Colette qui joue les entremetteuses entre elle et Vial. Colette trouve la jeune fille tantôt sotte, tantôt splendide. Une sorte de fausse rivale, une représentation de la jeunesse qui éveille tendresse et jalousie.Au centre des préoccupations et désirs confus des femmes, Vial joué par le beau Jean Sorel. Un portrait amusé de l’homme,  bien éduqué mais qui en fait trop, souvent maladroit.

En respectant scrupuleusement l’œuvre qu’il adapte, Jacques Demy nous offre un film littéraire, à la réalisation jamais étouffante, qui nous entraine dans les états d’âme d’une héroïne passionnante. La question du renoncement à l’amour lorsque l’on a atteint un certain âge est très belle et abordée avec beaucoup de pudeur, de sensibilité. Casting magnifique pour un téléfilm qui a bien sa place dans la filmographie essentielle du cinéaste.

Film diffusé en 1980.  Disponible en DVD dans le coffret Jacques Demy Intégrale

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3