FICTIONS LGBT
LA TOUTE DERNIÈRE (The Final Girl) de Todd Verow : mystère féminin
Une jeune femme – désignée comme « la toute dernière » – (Wendy Delorme) débarque à Paris et cherche un appartement. Elle trouve une collocation avec une fille sexy (Judy Minx) qui en guise de caution lui demande une étreinte sensuelle puis SM. Notre nouvelle parisienne tombe sur le journal de la fille qui occupait sa chambre avant elle, Leena (Brenda Velez). Cette dernière serait partie. Qui était-elle vraiment ? Alors que les pages du journal défilent, on ne sait plus quoi bien penser. Etait-elle folle ou simplement incomprise ? S’est-elle échappée de Paris ou est-elle morte ? Meurtre ou suicide ? Notre « Final Girl » se retrouve hantée par cette demoiselle qu’elle n’a jamais connu. Les interrogations s’accumulent alors que sur la route elle croise une de ses anciennes maitresses. Errance dans un Paris plein de mystères, entre beauté, perversions et fatalité…
Pour son tout premier film 100 % filles, Todd Verow a choisi Paris (mais pas que, certains passages se situant à Berlin ou Chicago). La capitale est un terrain de jeu pour ce cinéaste libre qui ne fait jamais rien comme personne. Ne comptez pas sur lui pour refourguer des images de carte postale d’un Paris bobo ou fashion. Dans La toute dernière, Paris est à la fois ludique, fascinante, toujours en mouvement (beaucoup de scènes tournées dans ou aux alentours du Centre Georges Pompidou) et infiniment triste. L’image est volontairement crade, le son particulièrement pourri, les scènes de sexe tout sauf sensuelles. On retrouve à la fois un côté documentaire, hyper réaliste, mais tout n’est pourtant ici que fiction, fantasme.
Aux chansons sensibles et nostalgiques d’Heather Nova qui jalonnent les moments clés du film s’opposent des passages en voix-off où Leena se raconte à travers son journal. Qui était-elle vraiment ? Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle était complètement désillusionnée. Tous ces passages sont incroyablement cyniques, brillamment écrits, toujours percutants, et génèrent forcément chez le spectateur une forte curiosité. Todd Verow fera perdurer le mystère, laissant les choses en suspens. Comme s’il était impossible de connaître vraiment quelqu’un, de saisir une vérité. Après la disparition d’un être, à qui ou à quoi se fier ? A ceux qui l’ont connu ? A son journal (qui forcément contient de la mise en scène et est « réarrangé ») ? Que laisse-t-on derrière soi ? Peut-on vraiment disparaître ? Et inversement, peut-on vraiment se trouver ?
Ici, la femme est un mystère. Certains pensent qu’ils peuvent l’attraper dans les filets du désir ou avec de l’argent (très belles scènes entre la Final Girl et une étrange cliente transexuelle campée par Pascale Ourbih)… mais cet objet de fascination se dérobe facilement, se perd, brouilles les pistes – à l’image d’une scène inaugurale où Wendy Delorme débarque en robe de mariée pour mieux se dévêtir et envoyer valser les normes, les clichés. Dans La toute dernière, chaque personnage semble chercher la liberté et se chercher soi-même. Spectacle, escalators, grilles, labyrinthes, jets d’eau, fumée…Finalement tout le monde se retrouve enchainé à un monde où il est particulièrement ardu de rester aux côtés de quelqu’un. Ne reste alors que des rencontres, des souvenirs, des mots, des images. Une ivresse qui ne durera qu’un temps avant l’ultime disparition.
On est pas prêts d’oublier Leena, énigmatique fille en fuite. Femme blessée ou meurtrière, manipulatrice ou trop émotive pour un monde égoïste. Et si la plus belle des rencontres venait d’un journal ou d’un film ?
Film produit en 2009 / Disponible en DVD aux éditions Optimale