CINEMA

LA VÉNUS AU VISON (Butterfield 8) de Daniel Mann : au-delà des apparences et du passé

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New York. Gloria (Elizabeth Taylor) se réveille un matin avec la gueule de bois dans la chambre d’un homme, Weston Liggett (Laurence Harvey), qu’elle a rencontré la veille dans un bar. L’homme est parti et lui a laissé un mot en la remerciant et en la payant 250 dollars pour sa compagnie. Gloria se vexe, marque sur le miroir « No sale » pour préciser qu’elle n’est pas à vendre et finit par se venger en volant le beau vison de sa femme. L’image que les hommes renvoient à Gloria constituent le problème majeur de sa vie quelque peu dissolue. En effet, cette belle brune séductrice a passé de nombreuses années à multiplier les amants, à séduire les hommes pour mieux les jeter. Elle gagne sa vie en se faisant photographier, portant des robes sexy, dans des bars de la ville. Et le soir, quand elle ne découche pas, elle rentre dans l’appartement de sa mère qui fait mine de ne pas se rendre compte de ses activités nocturnes pas très respectables.

L’argent laissé par Liggett provoque quelque chose en elle, lui fait réaliser qu’elle agit comme une prostituée, réveille son envie, son besoin même, de devenir « une femme bien comme il faut ». Weston Liggett semble de plus lui avoir tapé dans l’oeil. C’est pourquoi elle attend malgré tout son appel, histoire de le revoir et lui donner une leçon, ou peut-être plus… Liggett finit par rappeler, intrigué. Ils se retrouvent dans un bar, les échanges sont tendus mais le charme opère. Gloria montre qu’elle a beaucoup de caractère et qu’elle n’est pas une belle plante que l’on peut acheter, Weston Liggett révèle peu à peu ses fêlures (il est marié à une femme riche qu’il n’aime visiblement plu et qui lui a créé un poste dans son empire familial – un poste qui l’ennuie terriblement, qui l’a éloigné de sa formation de droit qu’il affectionnait). Comme Gloria, Weston a tendance à noyer son mal de vivre dans l’excès d’alcool et de partenaires d’un soir. Contre toute attente, ils tombent amoureux l’un de l’autre. Mais leurs penchants autodestructeurs finissent par les rattraper : Gloria ne se sent pas digne de l’amour de Weston qui, pour sa part, découvrant que Gloria a volé le vison de sa femme sans s’en excuser, en finit par perdre toute confiance en elle…

la vénus au vison film

Adaptation d’un roman de John O’Hara, La Vénus au vison (Butterfield 8 en VO) a valu à Elizabeth Taylor un Oscar. Une récompense amplement méritée, l’actrice étant une fois de plus sublime, tour à tour brûlante, séductrice, puis fragile, à fleur de peau. Le film est avant tout l’histoire de Gloria, jeune femme souffrant de l’absence d’un père et cherchant alors dès le plus jeune âge une présence masculine dans les bras d’hommes divers. Ayant expérimenté le sexe très tôt, réalisant qu’elle trouvait là une façon de séduire, l’illusion d’être aimée, de contrôler, elle s’est peu à peu perdue elle-même. Tous ses rapports avec les hommes sont des rapports de pouvoir ou trop ambigus pour permettre un équilibre. Vulnérable et paradoxale, Gloria est dans la séduction permanente, tentant par exemple d’émoustiller son ami dévoué de toujours, Steve Carpenter, et l’empêchant à sa façon un brin sournoise de voler de ses propres ailes. Il y a pourtant chez elle de la bonté, c’est au fond un cœur pur qui s’égare dans un cercle vicieux d’autodestruction. Sa rencontre avec Weston Liggett, comme elle plus complexe qu’il n’y paraît, lui permet de goûter à l’amour, de s’oublier sans pour autant culpabiliser, de se sentir bien, aimée. Le jeu de séduction rituel laisse la place à une précieuse intimité, une complicité.

Quand un salaud et une séductrice baissent les armes, le résultat est forcément séduisant et émouvant. Le couple formé par Elizabeth Taylor et Laurence Harvey est aussi glamour qu’attachant, représente le rêve d’une seconde chance. On se doute toutefois assez vite que l’issue pourrait être plus tragique que libératrice. Le film parle de la difficulté à aimer l’autre et s’aimer soi-même. Weston Liggett ne parvient pas à aimer comme il le faudrait sa femme, dont il est financièrement dépendant. Cette dernière, consciente que son mari la trompe et enchaîne les soirées dépravées, se refuse à divorcer, espérant qu’il finisse par se ressaisir, l’aimant dans toute sa complexité sans malheureusement avoir un retour. Steve Carpenter, l’ami de Gloria, est prisonnier de leur relation amicale ambiguë et n’arrive ainsi pas à répondre à toutes les attentes de sa petite amie qui a de plus en plus soif d’engagement. Weston et Gloria, eux, se sont trouvés l’un et l’autre mais n’ont pas encore totalement fait la paix avec eux-mêmes. Manque de confiance, peur du regard des autres, de ne pas réussir à reprendre tout à zéro…

la vénus au vison film

La difficulté de s’accepter, d’assumer ses actes sans les laisser nous conditionner, la foi en l’autre et au destin, sont quelques uns des thèmes abordés dans ce mélodrame à la fois sobre et envoûtant qui grâce à son duo d’acteurs explosif se révèle souvent d’une grande intensité (la scène, très tendue sexuellement, durant laquelle Elizabeth Taylor écrase le pied de Laurence Harvey avec son talon marque au fer rouge et leurs jeux de regards donnent le frisson plus d’une fois).

Film sorti en 1960. Disponible en DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3