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L’AMOUR DEBOUT de Michaël Dacheux : amour de film

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Michaël Dacheux livre avec L’amour Debout un hommage au cinéma de la Nouvelle Vague et de Jean Eustache. Le tout sur fond de Ravel et de Schumann.

Personnellement, j’adore le cinéma de la Nouvelle Vague car il compte beaucoup de films qui laissent de la place au quotidien, à la banalité et à son charme. On y trouve tout un tas d’oeuvres qui nous font rencontrer des personnages dont on tombe amoureux pour ce qu’ils dégagent, pour leur beauté, leurs idées, leur façon de questionner l’amour ou l’existence. Ce sont des coups de foudre à travers l’écran, des films où gravité et légèreté s’entremêlent et dont on ne veut plus quitter l’univers. On peut dire que L’amour debout réussit son pari car on ressent tout ça en le découvrant. Oui, je suis clairement et complètement tombé amoureux de Martin interprété par Paul Delbreil 🙂

Ca n’arrive pas si souvent de tomber amoureux d’un personnage de cinéma, de quelqu’un qu’on a jamais croisé dans « la vraie vie ». Ca m’est arrivé dès la première apparition de ce brun tout plein de charme, cinéphile amoureux transi de « La maman et la putain », avec une tendresse et une mélancolie dingues dans le regard. Martin est là à observer les gens et le monde, avec une douceur d’enfant et un côté presque impassible. Et en même temps il émane de lui une sensualité discrète et de plus en plus dévorante qui fait qu’on a envie de rester accrocher à ses lèvres jusqu’à la fin du générique et tellement plus !

Alors que je me cramponnais de désir à mon fauteuil, ça m’a rappelé ce sentiment que j’avais pu avoir en voyant sur un écran Jean-Claude Brialy jeune, Maurice Ronet, Marc Michel ou Nino Castelnuovo. Quand la pellicule vous rend fou de désir c’est un drôle de truc. Je suis resté presque hypnotisé devant ce métrage avec l’envie de rester bloqué dans l’univers de Michaël Dacheux à jamais, de partager un canapé-lit avec Martin ou de prendre une bonne petite douche.

l'amour debout michael dacheux

L’histoire est pourtant toute simple, d’une belle banalité : Martin lâche son école de cinéma pour tenter de reconquérir une dernière fois son ex, Léa (Adèle Csech). Mais cette dernière ne veut plus entendre parler de lui. Éconduit, il décide de rester dans la capitale en rêvant de faire du cinéma. Il va enchaîner en attendant les petits boulots et finir par squatter chez une vieille connaissance du lycée, Bastien (Samuel Fasse). Alors qu’il prend ses marques et sent se raviver en lui ses désirs pour des garçons (qu’il ne considère que comme des partenaires sexuels, n’ayant jamais eu une vraie histoire d’amour homosexuelle), Martin découvre les hauts et les bas de la vie parisienne. Une vie où aux défis et possibles désillusions s’opposent de purs instants de magie, des rencontres inespérées qui remettent des étoiles dans les yeux.

En parallèle, Léa essaie de faire le point sur sa vie alors qu’elle rencontre lors des visites guidées qu’elle anime dans la ville un musicien plus âgé qu’elle qui ne la laisse pas indifférente. Terrifiée à l’idée de s’embarquer dans une nouvelle histoire, elle questionne, fuit, avant de peut-être embrasser son destin.

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Le coeur de ce long-métrage bourré de charme et à l’enivrante folie douce, c’est donc comme son titre l’indique l’itinéraire de ces deux ex qui après être tombés amoureux et s’être écrasés vont se remettre debout et apprendre aimer à nouveau sous une nouvelle forme. Le scénario peut paraître maigrichon, les interprétations de certains seconds rôles doucement irréels peuvent dérouter mais il se passe sur l’écran quelque chose de rare. Un amour de l’autre palpable à chaque seconde, une tendresse qui fait un bien fou, une succession de petits instants magiques qui nous donnent l’impression de nous reconnecter à l’essentiel, une façon de filmer Paris comme un territoire de rêves où tout devient possible.

Ce sont souvent les oeuvres les plus modestes qui finissent par nous faire sortir du cinéma avec le plus grand des sourires. C’est le cas ici : je me suis levé de mon fauteuil en me sentant comme un adolescent plein d’espoir sur l’amour et l’avenir, prêt à partir à la recherche de mon Martin à moi.

Enfin, il y a dans L’amour debout ce plaisir de raconter des histoires, d’amener chacun à s’évader par la parole et les mots. Ce n’est sans doute pas un hasard si tous les personnages exercent un métier qui pousse à l’expression ou à se muer en orateur (guide touristique, prof de cinéma, étudiant en thèse, actrice, musicien…). L’ivresse délicate du partage, du savoir, de l’émotion. La grâce de la transmission, de l’amitié, du sentiment amoureux. 

Michaël Dacheux nous propose un moment de cinéma généreux avec une foi rafraichissante en l’humain et en l’amour et ça fait un bien fou ! Bref, amoureux de Paul Delbreil, amoureux de ce film. On en veut encore !

Film sorti le 30 janvier 2019

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3