CINEMA

L’ATALANTE de Jean Vigo : rêve d’ailleurs

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Juliette (Dita Parlo) est une fille de paysans de l’Oise. Elle aurait pu se marier avec un gars du coin, faire comme tout le monde. Mais elle a jeté son dévolu sur Jean (Jean Dasté), un marinier. Pas question de rester coincée dans sa bourgade isolée : Juliette veut s’aventurer vers de nouveaux horizons. Mais une fois à bord de L’Atalante (la péniche de Jean), elle réalise qu’elle n’a jamais été aussi emprisonnée.

Au milieu de l’eau, difficile de sortir se changer les idées. Reste les escales, le rêve de découvrir Paris…Jean lui demande d’être patiente, de ne pas faire sa capricieuse. Mais Juliette s’ennuie. Dans l’équipage de L’Atalante on trouve le Père Jules (Michel Simon), un homme fantasque, bizarre, qui vit entouré de chats, parle toujours en bredouillant et raconte des histoires souvent à dormir debout… 

Progressivement, la passion s’estompe entre Juliette et Jean. Et alors qu’un camelot tente la belle en lui proposant de découvrir Paris, de changer d’air, elle est à deux doigts de céder. Décidant finalement d’aller seule à la rencontre de la capitale, le temps d’une journée, Juliette risque gros. Froissé de cette petite fugue, Jean décide de lever l’ancre et de rayer Juliette de sa vie…

l'atalante film jean vigo

Grand classique du cinéma, L’Atalante fait partie de ces références que les cinéphiles se plaisent à citer. C’est en tout cas, et de loin, le plus beau film de Jean Vigo (c’est aussi son premier et son dernier long-métrage, l’auteur décédant avant même d’avoir pu voir son œuvre ; œuvre qui connaîtra de multiples versions). La maitrise formelle du cinéaste est ici mise à disposition d’une histoire d’amour simple et intemporelle. C’est le portrait de Juliette, une femme en quête d’ailleurs, pas certaine que son marin pourra totalement la combler. C’est que ce dernier manque de fantaisie. Pas très joueur, ne considérant pas l’amour comme quelque chose de forcément magique. L’important pour la réussite du couple, c’est d’y croire (comme le Père Jules croit en sa destinée à partir du tirage de cartes d’une voyante). Or Jean et Juliette semblent chacun avoir des réserves.

Rapidement, Juliette se retrouve comme emprisonnée à bord, sortant de son ennui grâce à quelques parenthèses enchantées (magnifique scène alors qu’elle pénètre dans l’antre du Père Jules qui la berce d’histoires et d’illusions), quelques escales. Rien que l’évocation de Paris à la radio la fait frémir . La mode, le romantisme : Juliette rêve déjà éveillée. Jean, lui, apparaît comme trop terre à terre, il gâche toujours l’ambiance, gueule trop, se révèle parfois trop possessif. Couple en crise, une crise qui s’infecte dans le silence et en huis clos.

Un jour, Juliette décide de se balader, de découvrir Paris, le monde, seule pour la toute première fois. Elle qui pensait jouir de cette furtive indépendance va vite déchanter, se heurter à la dureté du monde (chômage, vols dans la rue, violence). Jean, qui ne voulait pas faire cavalier seul ,décide pourtant d’abandonner sa femme dans un excès de colère. Il finira par le regretter, au point de tomber dans une certaine dépression qui le rendra enfin attachant à nos yeux.

Même si le scénario peut paraître un poil attendu de nos jours, L’Atalante est un voyage cinématographique et romantique dont on s’éprend très rapidement. Histoire et thèmes intemporels (l’envie d’ailleurs, le couple), personnage secondaire atypique (le Père Jules), mélange de drame, d’humour et de tendresse…On se laisse embarquer.

Film sorti en 1934 et disponible en VOD et DVD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3