CINEMA
LES CONFINS DU MONDE de Guillaume Nicloux : cauchemar en Indochine
Cinéaste éclectique et intrigant, Guillaume Nicloux nous plonge avec Les confins du monde en Indochine, en 1945, où le conflit donne lieu à des massacres tétanisants. Porté notamment par Gaspard Ulliel et Guillaume Gouix, cette oeuvre plus sensible qu’elle n’en a l’air fait un drôle d’effet, notamment de par une mise en scène hypnotique.
Dans le rôle principal de Robert Tassen, on retrouve donc Gaspard Ulliel qui est extrêmement sublimé et érotisé. Dès le premier plan, la caméra est subjuguée par la beauté singulière de son visage et de son corps tout entier dans son uniforme délicatement fétichisé. On ne s’y attendait pas mais le long-métrage se révèle très homo-érotique aussi bien dans sa façon de filmer les garçons, la camaraderie et la promiscuité des soldats (l’air de rien on voit un gars s’astiquer dans le dortoir) qu’en abordant en arrière-plan l’homosexualité contenue d’un des protagonistes.
On en prend clairement plein les yeux entre Gaspard Ulliel et Guillaume Gouix et l’ensemble est très charnel, fiévreux, en opposition aux images vraiment dérangeantes de cadavres et de victimes.
Robert Tassen est un jeune homme qui ne sait plus où il en est, traumatisé d’être le seul survivant d’un massacre profondément sadique qui a valué à son frère d’être torturé et tué. Il ne vit plus que pour retrouver l’assassin de ce dernier et semble prêt à tout pour y arriver. Cette soif de vengeance et de sang pourrait le pousser à sa perte. En parallèle, il développe une obsession pour une jeune et belle indochinoise prostituée, Maï (Lang-Khê Tran). Elle est la seule à pouvoir lui apporter un peu de tendresse et de plaisir même si son statut rend Tassen fou de jalousie.
Le scénario ne propose rien de flamboyant, on est face à un ensemble intimiste, basé sur les sensations et les fêlures émotionnelles des différents personnages. La sensation d’être prisonnier d’un cauchemar sans avoir en même temps vraiment envie d’y échapper car on sait qu’en retrouvant la réalité plus rien ne sera pareil. Une colère qui ronge jusqu’aux entrailles. L’étrange sentiment de savoir que l’on peut toujours mourir d’une minute à l’autre. Les images terribles et impossibles à effacer des victimes d’un conflit en roue libre.
La grâce des acteurs et de la mise en scène transforment ces Confins du monde en une expérience de cinéma sensorielle et mélancolique, nous donnant l’impression d’être au plus près de ces militaires égarés et brisés. Un beau portrait de masculinité sensible avec ses nombreux moments de camaraderie hors du temps.
Par petites touches, Guillaume Nicloux grave des images de cinéma indélébiles et nous envoûte .
Film sorti le 5 décembre 2018