CINEMA
LES DAMES DU BOIS DE BOULOGNE de Robert Bresson : vengeance d’une femme blessée
Hélène (Maria Casarès) est une bourgeoise au coeur brisé. Son compagnon la délaisse, l’amour s’estompe. Alors elle anticipe et provoque leur séparation. Mais alors qu’au fond elle s’attendait à ce que son amoureux la retienne, son égo prend un grand coup quand celui-ci la quitte sans le moindre effort. Blessée, victime d’un amour qui lui échappe, elle n’aura alors en tête plus qu’un mot : vengeance.
Ainsi, elle met en place un stratagème particulièrement cruel : elle va provoquer la rencontre de son ex Jean (Paul Bernard) avec une jeune femme en apparence respectable mais qui en fait est une danseuse (comprendre prostituée de luxe) afin de détruire sa réputation. Le piège ne met pas longtemps à fonctionner, Jean tombant fou amoureux de la jeune danseuse, prénommée Agnès (Elina Labourdette). Il fait d’ Hélène sa confidente, celle avec qui il partage ses nouvelles émotions et lui demande même de l’aider dans sa conquête.
Aussi désespérée que heurtée, cette femme déchue, tout de noir vêtue, va se plaire à cultiver le fantasme de l’élu de son coeur, celui d’une femme pure et respectable en apparence. De son côté, Agnès perd de plus en plus le contrôle, ne supportant plus de n’être qu’un jouet dans les mains expertes d’ Hélène mais aussi de sa propre mère prête à l’entrainer dans les situations les plus compromettantes pour bénéficier d’un agréable cadre de vie. L’amour l’emportera-t-il ?
Les dames du Bois de Boulogne se sont Agnès et sa mère. Une ex danseuse au désir de rédemption et sa mère qui la pousse à nouveau vers le pêché en acceptant le marché d’ Hélène. Le film oppose deux figures : celle de la naïveté et de la pureté et celle de la corruption , de la vengeance. Le Bien et le Mal, en somme. Sauf qu’ici contrairement aux clichés la plus pure des deux femmes est la prostituée, celle qui est harcelée, à qui l’on remémore constamment son sombre passé.
Les personnages sont cloitrés dans leurs appartements des beaux quartiers et pensent tous beaucoup trop à leurs seuls intérêts. Hélène est blessée et compte obtenir réparation quitte à briser définitivement celui qu’elle aime et une victime innocente, Jean n’en a que faire des sentiments passés d’Hélène et drague sans aucune gêne Agnès, la mère de cette dernière ne parvient pas à choisir entre ce qu’il y a de mieux pour sa fille, sa santé et ce qu’il y a de mieux financièrement pour elle-même.
D’une intrigue basique, Robert Bresson fait un drame sentimental universel et intemporel, porté par la poésie et la lucidité des dialogues, écrits par Jean Cocteau à partir d’une histoire originale de Diderot. Une sorte de conte cruel, avec une inoubliable Maria Casarès dans le rôle glacial et irrésistible d’une amoureuse vengeresse.
Film sorti en 1945. Disponible en DVD et VOD