FICTIONS LGBT

LOS FUERTES de Omar Zuñiga Hidalgo : évidence et différences

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Infiniment doux, poétique et sentimental, Los Fuertes révèle le réalisateur Omar Zuñiga Hidalgo et nous emporte au coeur d’une romance gay irrésistible. 

Chili. Lucas (Samuel Gonzàlez) est étudiant en architecture. Il prévoit de quitter Santiago pour aller s’installer à Montréal et vivre plus librement. Avant ce nouveau départ, il décide de rendre visite à sa soeur qui vit dans un petit village du Sud du Chili. Le frère et la soeur sont proches et s’aiment inconditionnellement. Cette dernière a notamment soutenu Lucas lors d’un coming out familial qui on le devine ne s’est pas passé de la meilleure des façons avec ses parents. 

Tandis que sa soeur traverse une période difficile avec son compagnon, Lucas savoure malgré tout ces retrouvailles et profite des environs, riches en paysages somptueux, pour se balader. Il voit un jour débarquer devant chez lui un beau garçon, Antonio (Antonio Altamirano). Immédiatement attiré, il se contente de le contempler. Il se trouve qu’Antonio est lui aussi gay mais c’est une donnée sur son identité qu’il a jusqu’ici souhaité garder pour lui. Dans ce village où il évolue, les esprits ne sont pas forcément ouverts et pour gagner sa vie il travaille à la fois comme maître d’équipage d’un bateau de pêche et s’illustre dans des reconstitutions historiques. Des milieux virils voire masculinistes.  

Le hasard amenant Lucas et Antonio à se recroiser, un rapprochement va avoir lieu, d’abord de façon très discrète. Mais au fil des jours, les deux jeunes hommes se retrouvent de plus en plus emportés par un amour naissant, comme une évidence. Pourront-ils rester légers face à la passion qui s’empare d’eux et alors que le temps de Lucas dans ce village marqué par les traditions est compté ? 

los fuertes film
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L’oeuvre commence de façon assez contemplative mais dans le plus joli sens du terme. D’emblée, le réalisateur Omar Zuñiga Hidalgo impose une très belle mise en scène, très douce, au plus près des visages et des émotions de ses comédiens. On se sent instantanément proches d’eux et le désir est contagieux, le filmage étant volontiers sensuel. La mise en scène renforce l’émotion mais elle fait aussi du petit village du Sud du Chili où se situe l’action un personnage à part entière. De jour comme de nuit, qu’il fasse beau ou qu’il fasse gris, les environs sont constamment sublimés et leur poésie naturelle éclate via des plans souvent superbement composés. Le charme du quotidien fait aussi son effet avec les petites habitudes locales (marches, pêche, bingo, reconstitutions).

Nous sommes là devant un très beau premier film de cinéaste dont la douceur et la pureté émotionnelle s’infiltrent en nous, par petites touches subtiles. Et comme Lucas et Antonio, on se retrouve pris par surprise, emporté par un amour naissant auquel il est impossible de résister. Il y a des rencontres comme ça qui sonnent comme des évidences, où tout se fait naturellement, où cela sonne tellement juste d’être subitement un couple et plus juste tout seul. 

los fuertes film
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Comme souvent lors des histoires naissantes, les deux garçons évitent de se poser des questions et vivent l’instant présent. Ils se découvrent, ils créent de l’intimité, dorment ensemble, se baladent, partagent naturellement leurs centres d’intérêt. Mais plus ils se dévoilent l’un à l’autre, plus l’amour les frappe. Problème : Lucas n’est que de passage. Cet aspect de l’intrigue peut faire penser à une version contemplative et rurale du film Weekend. Si l’évidence est là côté sentiments, il y a pourtant des différences de taille qui pourraient amener le bonheur hors du temps que partagent Lucas et Antonio à exploser en plein vol. Lucas, après un coming out pas évident, a soif d’émancipation, de vie citadine, de nouveauté. Antonio est profondément attaché à ses racines, à la terre, à ce coin où il se sent simplement à sa place même si son homosexualité risque de ne vraiment pas faire l’unanimité. 

los fuertes film

Il y a dans ce projet quelque chose d’impressionniste. Beaucoup d’émotions et de choses se passent avec une fausse banalité et la splendeur des petits riens finit à terme par entêter. Malgré la mélancolie qui les guettent, les personnages s’accrochent à l’instant présent, aux souvenirs qui se font et ne disparaitront probablement jamais. Une de ces romances qui vous hantent pour longtemps. 

Film produit en 2019. Sortie au cinéma le 4 mai

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3