FICTIONS LGBT
MAESTRO de Bradley Cooper : une compagne pas comme les autres
Après le succès de A star is born, Bradley Cooper confirme ses qualités de réalisateur avec Maestro, biopic puissant sur le compositeur bisexuel Leonard Bernstein et son lien particulier avec sa femme Felicia Montealegre.
Leonard Bernstein (Bradley Cooper), pianiste surdoué, se destine à un bel avenir. Sa carrière décolle fortement alors qu’à peine âgé d’une petite vingtaine d’années il effectue un remplacement en tant que chef d’orchestre qui va lui valoir beaucoup d’exposition et de reconnaissance. Partagé entre son envie de vouloir être chef d’orchestre, compositeur et son amour pour le théâtre et le cinéma, il se cherche et passe du bon temps avec sa bande d’amis composée majoritairement d’homosexuels. Leonard entretient notamment une liaison avec le beau David Oppenheim (Matt Bomer).
Lors d’une soirée, le compositeur en vogue fait la rencontre d’une actrice qui a également le vent en poupe, Felicia Montealegre (Carey Mulligan). Ils accrochent tout de suite. Rapidement, ils ne peuvent plus se passer l’un de l’autre et passent la majeure partie de leur temps ensemble. Si ce qui n’aurait pu être qu’une amitié prend un tournant plus charnel, Felicia, femme libre et ouverte d’esprit, a bien conscience que Leonard aime et a toujours aimé les garçons même s’il s’amuse de temps en temps avec des femmes. C’est elle qui va lui proposer de former un couple, au-delà des étiquettes.
Les années passent et Leonard et Felicia forment un couple extrêmement soudé, complice. Ils vivent ensemble, ont plusieurs enfants ensemble et chacun respecte le jardin intime de l’autre. Surtout, Felicia s’avère être une oreille et une source de soutien indéfectible pour son compagnon ainsi qu’une profonde source d’inspiration.
S’aimer au-delà des conventions, des inclinations, est un défi, peut-être une utopie. Le temps passant, la routine s’installant aussi, Leonard va peu à peu considérer Felicia comme acquise et lui manquer parfois de respect, s’affichant notamment ouvertement avec l’un de ses amants devant elle et sa famille… Entre hauts et bas, l’histoire de ce couple pas comme les autres va marquer à jamais l’existence de Bernstein et montrer que les plus belles romances ne collent pas toujours aux cases imposées.
« Une oeuvre d’art ne répond pas aux questions, elle provoque des questions; et son essence réside dans la tension de ses réponses contradictoires ». Le film s’ouvre sur cette citation de Leonard Bernstein lui-même et qui en dit long sur son oeuvre et sa vie. A l’opposé des biopics lisses et plan-plan que pondent la plupart des studios américains, Maestro séduit par sa capacité à montrer toutes les nuances qui composent la relation de Leonard Bernstein et de sa femme Felicia. Une relation qui sonne d’emblée comme une évidence, la connexion de deux âmes qui se nourrissent et se font du bien mais aussi tout un tas de défis, de doutes, de sentiments contradictoires. Au fil du temps, le plaisir, la fascination, l’amusement, la complicité vont laisser place à des petites manipulations, des non-dits, des frustrations voire de la colère.
L’interprétation du film est de haute volée : Bradley Cooper est impeccable et offre à la géniale Carey Mulligan une magnifique partition. Une fois encore, elle impressionne, passe d’une émotion, d’un registre à l’autre telle une funambule avec une précision remarquable. Elle parvient complètement à nous faire comprendre et ressentir ce qui a tant pu séduire et attirer Leonard chez Felicia. Une femme charismatique, indépendante, pouvant être douce et rassurante à la fois, vive, lucide, habitée, pleine de finesse. Si les garçons restent toujours en arrière-plan ou sur le côté, Felicia est toujours sur le devant de la scène… du moins pendant un certain temps.
Le long-métrage raconte la difficulté de partager sa vie avec un (grand) artiste : à un moment, il est difficile de ne pas se faire dévorer, de ne pas y laisser des plumes. Malgré sa personnalité hors du commun, Felicia n’y fera pas exception. Les choses vont notamment se corser quand un des amants de Leonard, un peu plus intense et envahissant que les autres, va s’imposer dans le décor…
Bercé par la puissante musique de Bernstein, ce biopic pas conventionnel sur une personnalité pas conventionnelle est un régal à tous les niveaux. Bradley Cooper s’affirme côté réalisation : sa mise en scène est inspirée, pleine de souffle et d’idées. Outre des plans très joliment composés, il se permet quelques envolées lors de tableaux rêveurs et puissants. Le film est découpé en deux parties principales, l’une en noir et blanc (le début de la relation de Felicia et Leonard et l’ascension de celui-ci, l’euphorie de la jeunesse) et l’autre en couleurs (le poids du succès et du temps qui passe, les épreuves de la vie d’adulte, les désillusions, le moment de faire le bilan).
Entre amour et parfois haine, la vie de ce couple qui défile ne cesse jamais de captiver et se révèle aussi dense, intense que profonde, apportant beaucoup d’émotions. Une grande et belle surprise et aisément l’un des meilleurs biopics américains produits ces dernières années.
Film sorti en 2023 sur Netflix