FICTIONS LGBT
MIA & MOI de Borja de la Vega : huis clos, désirs et drames
Premier long-métrage venu d’Espagne de Borja de la Vega, Mia & Moi (Mia y Moi en VO) joue la carte du huis clos sur fond de tension psychologique. Avec un casting sexy et un caractère contemplatif.
La mère de Mia (Bruna Cusi) et Moi (Ricardo Gómez) est morte et sa disparition fait encore l’effet d’une plaie ouverte. Mia a mis sa vie en suspens et réside pour l’instant dans la maison de campagne isolée de la défunte. Elle est rejointe pour quelques jours par Moi qui vient accompagné de son petit ami Biel (Eneko Sagardoy). Moi est dans un piteux état : à l’évidence, la mort de sa mère l’a plongé dans une profonde dépression. Soutenu par son compagnon, à moitié shooté par son traitement, il a conscience de sa totale vulnérabilité et dépendance vis à vis de ses proches et cela lui pèse. Il n’est pas sûr que cette très mauvaise passe (dont il redoute qu’elle ne s’éternise) puisse laisser son couple s’en sortir indemne. Biel, lui, apparait beaucoup plus confiant, ne cessant de montrer à son partenaire qu’il l’aime inconditionnellement.
Alors que Mia, Moi et Biel coulent des jours assez calmes au milieu de nulle part, tout bascule quand débarque sans prévenir Mikel (Joe Manjón), l’ex de Mia. Un bad boy sexy mais hautement toxique que la jeune trentenaire s’était jurée de ne jamais revoir (on comprend par divers sous-entendus que c’est un garçon possiblement violent avec les femmes… comme pouvait l’être le père de Mia et Moi). Moi insiste pour que Mikel déguerpisse mais Mia finit par plier : l’ex vénéneux sort tout juste d’un accident de la route, est couvert d’ecchymoses et clame que s’il doit repartir il risque de mettre sa vie en péril.
Profitant de l’hospitalité qui lui est accordée, Mikel va sérieusement s’incruster et rendre le quotidien de plus en plus pesant dans la maison. Il essaie de reconquérir Mia et de la replonger dans leur relation charnelle et destructrice, il flirte légèrement avec Biel et se plait à allumer et sadiser en même temps Moi…
Ce premier long-métrage ne manque pas de qualités, à commencer par le charme de ses 4 interprètes qui campent à la perfection leurs personnages se révélant par petites touches. Borja de la Vega révèle les personnalités et les questionnements de ses protagonistes au compte-gouttes, avec subtilité, joue des non-dits, des silences, des mystères. La mise en scène du réalisateur est élégante même si elle tire parfois un petit peu trop la corde sur la carte du contemplatif.
À l’évidence, le cinéaste est fan du film Théorème de Pasolini (qui est au passage un des films préférés de tous les temps de l’auteur de ces lignes) dont il s’amuse à reproduire à sa sauce des plans ou des situations en leur faisant prendre d’autres directions. On aurait presque aimé que ce côté « variation de Théorème » soit poussé plus franchement, plus en profondeur. Car malheureusement, c’était le piège et ça ne loupe pas : le film de Borja de la Vega ne tient pas la comparaison et parait manquer d’audace et de force par rapport à son modèle.
S’il joue de façon intéressante avec les multiples possibilités d’une sorte de carré sentimental (il y a le couple gay de Moi et Biel mais on apprend que Biel est bisexuel et il a l’air de très bien s’entendre avec Mia / Mikel se plait à flirter avec Biel et provoque sexuellement Moi / la relation entre Mia et Moi peut parfois paraître un poil incestueuse…), le réalisateur reste un peu trop sage, en surface, et ne tient pas toujours la distance côté rythme. Par moments, son intrigue s’enlise et malgré une dernière partie qui réserve une brutale surprise, on quitte le film avec un goût d’inachevé.
A défaut d’être le drame charnel, sulfureux et sous haute tension qu’il aurait pu être, Mia & Moi reste une curiosité, un premier essai qui intrigue et donne envie de voir ce que Borja de la Vega nous réserve pour la suite de sa filmographie.
Film produit en 2021 et présenté lors de la 27ème édition du Festival Chéries Chéris