FICTIONS LGBT
Mon Alter Ego (M/M) de Drew Lint : possession
Oeuvre audacieuse et donc clivante, Mon Alter Ego (M/M en VO) retourne le cerveau du spectateur et le perd dans un labyrinthe des sens sur fond de musique techno. Quelque part entre l’univers d’Edgar Allan Poe et celui du réalisateur João Pedro Rodrigues, ce thriller qui prend place à Berlin est une histoire d’obsession, de possession et de dématérialisation. Intrigant.
Matthew (Antoine Lahaie) est un jeune canadien parti s’installer à Berlin. Il mène une vie solitaire et n’a pas vraiment d’amis. Son seul contact humain régulier est avec sa mère qui l’appelle régulièrement et avec laquelle il évoque ses rêves si réalistes que parfois il pourrait les confondre avec la réalité. Des rêves où reviennent étrangement des motifs de statues.
En manque d’affection, le jeune homme se connecte très fréquemment, y compris sur son lieu de travail (une piscine où il est maître nageur), à des applications de drague. Un après-midi, un nageur lui envoie un message. Il s’agit de Matthias (Nicolas Maxim Endlicher), une véritable bombe sexuelle au regard lubrique et tentateur. Matthew est instantané happé par son charme possiblement vénéneux et développe une obsession dévorante autour de cet inconnu. Il se met à le suivre, le stalker sur Internet…
Alors que l’objet de ses fantasmes semble lui échapper, Matthew se perd dans ses songes entre rêves et cauchemars et entame une étrange métamorphose. Il va en effet de plus en plus chercher à devenir la copie conforme de Matthias. Cette attraction prenant des proportions inattendues, flirtant avec la folie, va donner lieu à une spirale charnelle qui ne sera pas sans danger.
Là où le film est potentiellement clivant, c’est qu’il n’est pas mais alors pas du tout linéaire. C’est perché, on finit par ne plus savoir où est le rêve et où est la réalité. Les digressions s’accumulent et l’ensemble prend les atours d’un film expérimental très « art contemporain ». Il demande qu’on s’abandonne et qu’on se laisse porter par les images pour s’embarquer dans un trip esthétique et sensuel.
Les cinéphiles avertis pourront apprécier une mise en scène inspirée qui s’amuse beaucoup de l’homo-érotisme, des clichés de la culture gay qu’il se ré-approprie en les faisant baigner dans un fétichisme permanent et troublant. La ville de Berlin devient le théâtre d’une liberté sexuelle qui fait vaciller les identités. Au coeur de la nuit, des boîtes de nuit et des rencontres anonymes, les âmes en peine se perdent parfois de façon extrême.
Drew Lint nous renvoie aussi et surtout à ce fantasme du « clone » réadapté ici. Ou comment un garçon qui en aime un autre finit par vouloir devenir comme lui. Matthew n’a pas l’assurance de Matthias mais plus il s’empare de son look, de son monde, plus il semble gagner en confiance. Leur relation, décalée et irréelle, fantasmatique, transpire le désir de trouver dans l’objet de son affection un modèle, un frère. En résulte un certain vampirisme, un romantisme alterné à des jeux sauvages et kinky.
« M/M » ici nous a séduit pour sa faculté à nous emmener complètement ailleurs, dans un monde réel perverti par des rêves moites et des obsessions. Tout y est distordu, flou, entre passion et démons. C’est couillu, sexy et pas commun et ça mérite d’être salué.
Film produit en 2018 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen
Mon Alter Ego (trailer) from OPTIMALE Distribution on Vimeo.