FICTIONS LGBT
MONSOON (Mousson Tropicale) de Hong Khaou : déracinés
Après l’émouvant Lilting, le réalisateur Hong Khaou revient avec un nouveau récit intimiste et très attachant avec Monsoon dans lequel le beau Henry Golding campe un trentenaire gay d’origine vietnamienne en quête de sens et de repères. Une nouvelle leçon de délicatesse.
Kit (Henry Golding) a dû quitter Saigon avec sa famille alors qu’il n’était qu’un petit garçon. À l’époque, de nombreux vietnamiens cherchaient à fuir en pleine guerre américano-vietnamienne. Kit, sa mère et son frère ont finalement atterri en Grande-Bretagne. Le voici de retour, 30 années plus tard dans sa terre natale. Il vient pour disperser les cendres de sa mère et sera rejoint quelques jours plus tard par son frère et les enfants de ce dernier.
Pour l’instant seul, face à lui-même et de vagues souvenirs de la ville où il est né, il tente de se reconnecter à ses origines. Mais après une si longue absence, il ne reconnait pas grand chose et se sent comme un touriste. Il retrouve un ami d’enfance, Lee (David Tran), avec qui il échange des souvenirs en parlant anglais (Kit n’a plus de restes de sa langue maternelle).
Déraciné, franchement perdu, Kit cherche un endroit pour disperser les cendres de sa mère mais cherche aussi à travers ce voyage pour lequel il a tout quitté (y compris son travail) sa propre place dans le monde. Britannique d’origine vietnamienne, il ne se sent ni vraiment britannique ni vraiment vietnamien. Mais si Saigon et les environs du Vietnam sont en totale mutation (la mondialisation, devrait-on dire l’américanisation, est passée par là), le charme obsédant et dépaysant des alentours ne manque pas de faire son effet par petites touches.
Surtout, au hasard d’une rencontre sur une appli, Kit rencontre Lewis (Parker Sawyers), un américain sexy et solaire (dont il s’avèrera que le Père a servi pendant la guerre). Au fil des jours et des semaines, les deux garçons vont se rapprocher et trouver dans leurs racines faussement contraires et réellement parallèles une forme de sens qu’ils cherchaient tous les deux…
Hong Khaou joue ici complètement la carte d’un certain cinéma indépendant calme et contemplatif, très intimiste et délicat. Le Vietnam est un personnage à part entière de l’intrigue : entre Saigon et Hanoï, la caméra capte de très belle façon l’énergie d’un pays en mutation. Le spectateur voyage aux côtés de Kit et tout le métrage a un effet complètement dépaysant, étrangement apaisant, spirituel.
Le cinéaste délivre un parfait dosage entre moments d’errances taiseux et conversations intimes à la fois simples et très joliment écrites. C’est une très belle oeuvre, en mode lo-fi, sur la quête de ses racines, de ses souvenirs, de son histoire familiale, de celle d’une terre qu’on a dû abandonner, d’une quête existentielle aussi. Kit marche, découvre, redécouvre, essaie de se souvenir, se déconnecte de sa vie anglaise et se reconnecte au rythme singulier de Saigon.
Comme il y a des voyages qui permettent de se (re)trouver, ce film a cet effet de révélateur. Il avance par toutes petites touches et notes, qui résonnent plus profondément qu’elles n’en ont l’air et esquisse avec subtilité un lien amoureux entre deux garçons qui ont à l’évidence clairement un chemin à parcourir ensemble.
Au-delà du plaisir de retrouver Henry Golding dans un rôle gay, Monsoon offre à l’acteur l’occasion de participer à un cinéma d’auteur très doux, lui permettant de montrer comme jamais auparavant l’intériorité de son jeu et sa sensibilité. Le couple qu’il forme dans le film avec le beau Parker Sawyers ainsi que ses échanges avec le personnage de son ami d’enfance incarné par David Tran donnent lieu à des moments particulièrement touchants. Une petite pépite.
Film produit en 2019 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen