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MONSTRES / MONSTERS, L’histoire de Lyle et Erik Menendez : jugement flou

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Après la très marquante et dérangeante mini-série DAHMER, la franchise MONSTERS (« Monstres » en français), création de Ryan Murphy, s’attaque à deux nouveaux personnages controversés et aptes à susciter le malaise avec L’histoire de Lyle et Erik Menendez. Portraits riches en nuances et procès très complexe au menu. 

Un soir d’été, en 1989. Le fragile Erik (magnifique Cooper Koch), 18 ans, accompagné de son grand frère plus affirmé Lyle (Nicholas Alexander Chavez), 21 ans, pénètre dans la maison familiale avec des fusils pour assassiner père (Javier Bardem) et mère (Chloë Sevigny). Nous les découvrons les jours et les semaines qui ont suivi ce meurtre violent et glaçant. 

Les deux frères, très proches au point de parfois avoir l’air ambigus, ont l’air d’être sur une autre planète. Erik est submergé par ce qu’il a fait et est submergé par la panique tandis que Lyle essaie de le canaliser. Ils espèrent avoir commis le crime parfait et possiblement mettre la main sur un très gros héritage. Après la fin de l’enterrement, ils décident de mener la grande vie : fringues de luxe, voiture, Rolex, vie à l’hôtel et soirées déglinguées. Mais le faste n’atténue pas le vertige d’Erik qui ressasse ce qu’il a commis. Il finit par aller voir son psy, le docteur Oziel (Dallas Roberts), et pensant être protégé par le secret professionnel se met à lui confier son crime. Quand Lyle découvre cela il devient logiquement furieux. Peuvent-ils vraiment faire confiance à ce psy qui promet de ne rien dire ? Pas si sûr : logiquement angoissé de recevoir sur son divan de très potentiels sociopathes, le médecin se confie à sa maitresse, Judalon Smyth (Leslie Grossman) et va même lui confier les enregistrements de ses séances qu’il va mener avec les frères. Les cassettes vont finir par arriver jusqu’à la Police et Erik et Lyle vont se retrouver incarcérés. C’est là que commence le véritable tourbillon que constitue cette série. 

monstres monsters lyle erik menendez

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Bon courage à ceux qui aiment déceler le vrai du faux et avoir une vision nette des événements. Ce nouveau chapitre de Monsters nous montre à quel point la vérité est complexe, peut avoir plusieurs visages et interprétations selon les personnes. Car dans la vie, chacun à ses raisons de croire ou de ne pas croire, d’être dans l’empathie ou non, de dire la vérité ou de mentir, de retranscrire les faits ou d’inventer, de refaire l’histoire selon ses émotions, ses croyances, ses peurs. Sans parler tout simplement de la mémoire qui peut devenir floue. 

Le spectateur passe par tous les états et l’ensemble est captivant en nous faisant changer à une vitesse impressionnante de ressenti sur les personnages et les événements. Lyle et Erik sont-ils juste des sales fils de riche capricieux et sociopathes ? Ont-ils été poussés à bout par leur père et frustrés par l’indifférence de leur mère ? Ont-ils expié des traumatismes terribles par leur acte monstrueux ? Qui était vraiment leur père ? Simplement un paternel exigeant et strict, un papa tyrannique ou un véritable monstre pervers, dommage collatéral de ses propres traumas ? Et quel était le rôle de la mère dans tout ça : était-elle vraiment indifférente et froide ? Etait-elle complice d’atrocités ? Les questions fusent et quand on pense avoir trouvé une réponse, l’épisode suivant balaie à nouveau toutes les convictions.

Avec beaucoup de brio dans l’écriture et le style léché, sexy et nimbé d’homoérotisme propres aux productions thrillers de Ryan Murphy, L’histoire de Lyle et Erik Menendez, nous montre à quel point un procès tel qu’ont pu vivre les deux frangins est bien plus complexe qu’il n’en a l’air, surtout quand commencent à s’en mêler les médias. Les personnages sont excellents et pleins de nuances, tous empreints d’une grande dualité. Et face aux contradictions et retournements de situations, le spectateur a l’impression d’être sur le siège d’un jury, bien incapable de livrer son propre verdict avec une totale certitude. 

monstres monsters lyle erik menendez

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Deux personnages secondaires brillants entrent en piste en cours de route : la démente et charismatique Leslie Abramson (formidable Ari Graynor) qui va être l’avocate d’Erik et qui va établir la stratégie de défense des frères assassins et le journaliste mondain et rongé par le sentiment d’injustice Dominick Dunne (Nathan Lane). 

En même temps que les points de vue contradictoires se succèdent, la série mute dans sa forme passant du thriller sexy et dérangeant à la fiction de procès, à la tragédie familiale glauque, à une fiction de prison. Tout un épisode repose même sur un échange en plan fixe, basé sur les confessions glaçantes (ou bien une répétition tout aussi glaçante) d’Erik. 

monstres monsters lyle erik menendez

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Les deux acteurs principaux, Cooper Koch et Nicholas Alexander Chavez, livrent des prestations phénoménales et on entretient avec leurs personnages un rapport comme on en a rarement eu : on a un coup envie de s’attacher puis on est repoussé, on est touché puis on est glaçé… Javier Bardem et Chloë Sevigny sont tout aussi bons et intenses dans des rôles également ambigus et durs à décoder. 

Ce qui émane de l’ensemble, c’est le chaos total, l’incapacité au final de pouvoir faire confiance ou de se satisfaire de la justice, l’impuissance face à la complexité d’une histoire trop tordue et floue pour nous accorder la satisfaction de la raison, d’un dénouement clair. Bien avant l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, on observe médusés à quel point l’appareil judiciaire est compliqué, perverti, faillible. Qu’est-ce qui est de l’ordre de la réalité et qu’est-ce qui est de l’ordre du mensonge ? Où est le Bien et où est le Mal ? Ne vous attendez pas à des réponses à l’issue de ce grand 8 qui va bien profond dans la noirceur… et c’est ce qui en fait tout son intérêt. 

Mini-série sortie en Septembre 2024 sur Netflix 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3