ALBUMS
Montag, Phases : des rêves et des trésors
Chaque année compte son lot d’heureuses et inattendues découvertes. En 2013, l’une d’entre elles s’appelle PHASES, disque d’un beau canadien, Antoine Bédard, qui officie sous le pseudo de Montag. Après plusieurs années à peiner à donner suite à son précédent album, l’artiste, qui travaille comme compositeur pour le théâtre, la danse, la télévision ou le cinéma, s’est fixé un objectif : composer chaque mois un nouveau morceau. Ne pas faire un album, ne pas penser à une quelconque cohérence, juste chaque mois créer quelque chose, parfois avec des contraintes. 12 chansons, 12 mois. De cette année musicale pas comme les autres (que les internautes les plus éclairés ont pu suivre au fil de 2012 sur le site de Montag) résulte le disque Phases. Sans le vouloir, son auteur livre un ensemble cohérent, dont émergent une grande sensibilité, un tas de claviers qui nous donnent la sensation de déambuler dans un monde magique, une voix délicate (qui sait aussi nous emporter très haut, souvent), des textes d’une beauté précieuse.
Etant donné le parti pris de l’exercice, on se réserve le droit d’avoir nos petites préférences. Tout d’abord pour l’ouverture, New Design, accompagnée d’un clip extrêmement mignon, épuré, où le craquant Montag improvise une petite chorégraphie ,seul, avant d’être rejoint par quelques jeunes filles. Boucles colorées, piano, petites touches synthétiques : c’est un morceau très « easy listening » qui au fil des écoutes révèle les mystères de sa construction. On peut aisément parler de « musique architecturale » ici, tant la composition est soignée, à la fois simple et hyper réfléchie. Un travail d’assemblage minutieux, pour ne pas dire maniaque, qui se retrouve sur chacune des « Phases » du chanteur-compositeur. Indéniablement aussi perfectionniste que passionné, Antoine Bédard a conçu des « documentaires audios » pour chacune de ces propositions pop, accessibles à l’heure de l’écriture de ces lignes sur son site officiel. L’occasion de se plonger dans son passionnant travail de création.
Montag propose ici non seulement des mélodies accrocheuses et émouvantes mais aussi un univers. Les différentes pistes ayant bénéficié d’un clip y trouvent une ampleur supplémentaire à l’instar du puissant True Love dont la vidéo, cinématographique et onirique, oppose vers de terre et rapprochement des corps dans toute leur diversité. Le superbe titre en français Phares , une fois orné d’images, mêle pour sa part l’insouciance de l’été à des paroles à la fois naïves et bouleversante, le tout sur des sonorités étincelantes. Le clip du plus electro/down tempo Next Life joue lui avec les motifs tandis que celui de l’emballant Trip the Light Fantastic, délicieusement 80’s, a un petit côté psychédélique. Les expérimentations sonores de Sun Fat Explosion héritent de leur côté d’une vidéo au montage haché, à la trame énigmatique et obsessionnelle. Enfin, le clip de The last call, aux sonorités plus chillwave, montre Montag plongé dans une fête aux allures de bulle hors du temps, non dénuée de langueur, de sensualité.
L’univers est vaste, le disque éclectique, tout en témoignant d’un style affirmé. Des couleurs dans les oreilles, des rêves et des flashs dans la tête, des envolées qui amènent les cœurs à s’emballer. Avec le plaisir de savourer chaque création musicale comme une petite aventure, une histoire. Entre un morceau en hommage à Trish Keenan de Broadcast – la ballade lunaire et tout en échos There is a voice – et un duo avec Erika Spring d’Au revoir Simone, les jolies surprises abondent dans une joie qui rappelle la pureté de l’enfance.
Si la majorité de l’album est en anglais, c’est toutefois un titre français, écrit par Pierre Lapointe, qui fait exploser cette collection aux allures de malle aux trésors. Ca s’appelle P.I.E.C.E.S et c’est comme si en quelques minutes on voyait défiler tout le meilleur de la « French Pop ». Il y a quelque chose d’infiniment attachant et émouvant dans Phases. 2013 : une belle année pour tomber amoureux de Montag.