FICTIONS LGBT
MR. LEATHER de Daniel Nolasco : le cuir et la communauté
Comme son titre l’indique, le documentaire Mr. Leather nous plonge dans les coulisses de l’élection du nouveau représentant de la communauté cuir à São Paulo au Brésil. Mais le long-métrage du réalisateur Daniel Nolasco va bien plus loin, aussi bien côté mise en scène où il dévoile des vignettes fictionnelles torrides que côté fond où se dessine petit à petit une grande déclaration d’amour aux amateurs de leather.
Le métrage s’ouvre sur une scène très hot où l’on voit dans une forêt un beau mâle moustachu dominant et en cuir saisir un garçon en habit de marin. Roulage de pelles goulues. Les deux garçons sont observés par un mec en mode dogtraining et un autre qui se présente comme étant le fantasque narrateur de l’histoire.
Le spectateur se laisse ainsi embarquer dans la petite histoire de la communauté cuir au Brésil et São Paulo en particulier dont les prémices remonteraient à une quinzaine d’années. D’abord une petite soirée organisée par un passionné, un certain M.D qui apparait à l’écran interprété par un acteur improvisé. Cette introduction est amère : elle raconte comment celui qui a contribué à mettre sur pied la première élection de Mr. Leather a finalement été écarté de l’événement par sa propre communauté. Chaque microcosme réserve son lot d’égos et de trahisons…
Si l’élection de Mr. Leather 2018 sert de fil rouge à cette oeuvre hybride entre documentaire et fiction, permettant de dresser le portrait de 4 hommes et leur rapport au cuir et au fétichisme sous des visages divers, le film de Daniel Nolasco se veut avant tout comme une ode au cuir et les fantasmagories gays qui vont avec. Il est forcément question plusieurs fois du mythique Tom of Finland qui a fait rêver les candidats et inspiré le cinéaste qui s’inspire de ses grands bonhommes virils, TBM et cruels pour ses parenthèses oniriques et érotiques. Il est aussi question de plein d’autres choses qui font le quotidien de ces passionnés.
Très vite il apparait que cette élection n’est pas un équivalent superficiel fetish à une élection de Miss. La majorité des participants vibrent pour le cuir et ont à coeur de représenter leur communauté. La communauté est ici essentielle car elle permet un lien social qui dépasse le sexe, rassemble, même si les jalousies peuvent exister. En un peu moins d’une heure trente, Daniel Nolasco parle de la fascination esthétique, l’amour de la matière et ses odeurs, des tenues et accessoires leather qui peut exister sans qu’il y ait un aspect sexuel. Cet aspect est toutefois bien présent, souvent mêlé au BDSM. Le film nous plonge par moments dans l’intimité de ses personnages qui jouent à des jeux de domination-soumission parfois sulfureux. L’ensemble est diablement sexy, à la lisière de l’explicite, et nous fait ressentir toute la fièvre des rapports entre ces hommes de cuir.
En filigrane, Mr. Leather aborde aussi des questions sociales (les tenues cuir coûtent souvent très cher et cela peut intimider les nouveaux venus / la fascination des femmes pour ces soirées fetish ouvertes seulement aux hommes) et sonde la masculinité (par définition l’univers leather est très codé, associé à une sur-virilité). Entre vocation, tradition, fantasmes et nouvelle génération qui se réapproprie les codes : une exploration dense et inspirée, humaine et charnelle, de l’univers cuir qui brise les tabous et dépasse les clichés.
Film produit en 2019. Disponible en DVD aux éditions Optimale et sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen