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My bloody valentine « m b v » : vers un autre monde

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« Le nouvel album de My bloody valentine est en ligne ». En lisant la nouvelle, on se frotte les yeux pour y croire : presque 22 ans que certains attendaient une suite au magistral Loveless. La bande de Kevin Shields sait se faire désirer. Depuis sa sortie au début des années 1990, Loveless est devenu un disque culte pour plusieurs générations. Personnellement, à chaque écoute j’ai encore l’impression d’être encerclé par une fumée rose alors que les basses me travaillent au corps. C’est fou comme cet album est inépuisable, comme il traverse le temps, comme il transforme chaque note, chaque bruit, en une sorte de vers, aboutissant à des poèmes musicaux, beaux et sauvages. Comment faire un nouvel album sans se vautrer après ça ? On ne doute pas qu’en plus de vingt ans, My bloody valentine a eu le temps de se poser la question.

Bref, ça y est, c’est arrivé : il n’y a plus qu’à appuyer sur « Play » pour se faire un premier avis. Alors que She found now se déploie , on est de suite rassurés. On est pas du tout perdus, c’est comme si le temps s’était arrêté, comme si l’on découvrait des pistes secrètes de Loveless. Ca rugit au loin, ça vibre dans les oreilles mais ça caresse aussi. C’est toujours aussi intrigant, sensible, vaporeux. Et le premier titre nous fait tomber amoureux, nous rend accroc instantanément. Impossible de cacher son émotion : les retrouvailles sont intenses. L’intensité, c’est ce qui caractérise cette formation unique. Comme si elle synthétisait le bruit du monde, des machines, des ordinateurs en les mêlant à une explosion d’émotions humaines. Only tomorrow a à priori des allures d’entre-deux mais les guitares savent nous conquérir, nous faire flancher. Chaque titre est une nouvelle surprise, se savoure, captive jusqu’à la dernière seconde. Who sees you nous rappelle la faculté qu’a Kevin Shields de transformer une structure classique pop en un joyeux labyrinthe propice à l’abandon, aux fantasmes les plus fous. On avait presque oublié à quel point les «chants de guitares et de basses » du groupe parviennent à nous donner le frisson.

m b v est un album de contrastes , de courbes, de couleurs. Quelques synthés nous emportent dans une nuit scintillante et envoûtante (is this and yes). Sentiment d’urgence, pulsion de vie, l’impression que tout tourne mais aussi la sensation toute nette de parvenir à saisir toute la beauté qui nous entoure subitement : on déambule à l’écoute de if i am. Et si My bloody valentine a un univers hyper identifiable, marqué, original, il n’a jamais été renfermé sur lui-même, trop élististe. Cette musique singulière parvient à vous happer du premier coup et peut très bien se faire tubesque (new you, vrai morceau pop imparable). Mais ne comptez pas sur ce disque pour vous ménager pour autant. In another way fait l’effet d’une grosse claque dans la gueule, si grisante que vous en redemanderez encore, histoire de comprendre ce qu’il y a dans ces arrangements, ces assemblements de premier abord presque brouillons qui vous imprègnent tellement que vous ne pouvez crier qu’au génie.

Après 7 morceaux ensorcelants, m b v nous bouscule encore avec nothing is, titre qui nous donne l’impression de dévaler une descente à toute vitesse, avec une jouissance paradoxalement croissante. Wonder 2 achève le tout magnifiquement. Comme un décollage en avion pour un autre monde. Promesse d’un infini. Il ne reste plus qu’à appuyer sur « Repeat ».

 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3