FICTIONS LGBT
MY FRIEND DAHMER de Marc Meyers : la jeunesse d’un serial killer
Dire que « My friend Dahmer » est particulier est un euphémisme. Ce long-métrage de Marc Meyers déroute souvent le spectateur, impose un rythme très étrange et un climat des plus singuliers. Au risque d’en ennuyer certains et d’en hypnotiser d’autres.
Année 1978. Jeffrey Dahmer (Ross Lynch, saisissant) est un ado mal dans sa peau et marginalisé. Sa bizarrerie l’empêche de se mêler aux autres. Seul un de ses camarades de classe, un jeune gay persécuté, essaie de sympathiser avec lui. Ce dernier se fait régulièrement humilier et tabasser par les garçons populaires de l’école.
Loin des cours, Jeffrey se livre en cachette à sa passion : récupérer des animaux morts et les dissoudre dans de l’acide. Fasciné par les os, la chair, il sent un trouble primitif monter progressivement en lui. Son père s’inquiète, sa mère ne voit rien. Il faut dire que celle-ci, rentrant fraichement d’un institut psychiatre, à d’autres choses à penser : sa folie l’amène à s’engueuler continuellement avec son époux, semant une atmosphère de chaos dans la maison familiale.
Le quotidien glauque de celui qu’on appelle seulement par son nom de famille au bahut prend une tournure inattendue quand il commence à faire « le gogol ». Ses pitreries amusent ses camarades garçons qui finissent par lui trouver un côté cool. De paria, Dahmer devient en vogue. Ou presque : pour traîner avec le populaire John et sa bande, il doit accepter de jouer au bouffon et de se risquer à des numéros possiblement humiliants. Mais Dahmer semble de plus en plus se ficher du ridicule, trouvant dans ces jeux une façon d’exprimer sa folie naissante.
Refoulant à l’évidence aussi bien son homosexualité que des pulsions meurtrières (après avoir récolté des animaux morts, il se met à les tuer et les dépecer), Dahmer semble sur le point de vriller du côté obscur à chaque nouvelle minute…
Tout le film s’articule autour d’un étrange suspense qui joue avec les attentes et la frustration du spectateur. En effet, on ne verra pas Dahmer s’adonner réellement à des meurtres même si les tentations / tentatives abondent de plus en plus. Ce long-métrage malaisant montre avant tout la naissance d’un serial killer par des petits détails. Sans trop expliciter les choses, Marc Meyers donne matière à comprendre ce qui sociologiquement et émotionnellement a pu influer sur le cheminement sombre de ce tueur ayant réellement existé. Mais au-delà d’un cadre familial traumatisant, de pulsions sexuelles inassouvies et de la cruauté du harcèlement scolaire plus ou moins latent, le scénario montre aussi l’instinct sauvage d’un criminel en devenir. Comme si Dahmer ne pouvait s’empêcher de lutter contre ses abominables pulsions sanguinaires.
Porté par l’interprétation extrêmement fine et nuancée de Ross Lynch, « My friend Dahmer » trouble et distille une tension lente presque hypnotique. L’ensemble joue avec beaucoup de maîtrise sur la thématique de l’ambivalence, d’une persécution sourde, montrant la violence et le sadisme parfois sous les visages les plus sympathiques.
Sorte de teen movie ultra dark et halluciné, ce film est un petit OFNI, entre sensibilité et menace foudroyante qui ne manque pas d’étonner.
Disponible en VOD sur le site e-cinema