FICTIONS LGBT

NO HARD FEELINGS (Futur Drei) de Faraz Shariat : paumés

By  | 

Lauréat du Teddy Award du Festival de Berlin en 2020, No hard feelings (Futur Drei) suit la rencontre en Allemagne d’un fils d’iraniens exilés et d’un frère et d’une soeur réfugiés iraniens. Amitié, amour, espoirs et rêves brisés sont au programme de ce premier film au charme indé. 

Parvis (Benny Radjaipour) a grandi au sein d’une famille d’iraniens exilés en Allemagne, dans une petite ville près d’Hanovre. Contrairement à ses parents qui se sont sacrifiés et ont travaillé très dur pour lui offrir une vie de liberté, le jeune homme traverse la vie avec une certaine nonchalance. Il passe son temps à faire la fête ou à accumuler les rencontres éphémères avec des hommes inconnus. 

Après avoir été pris pour vol à l’étalage, Parvis se retrouve à devoir effectuer des travaux d’intérêt général. Il commence une mission dans un centre de réfugiés. Très vite son regard se pose sur Amon (Eidin Jalali), beau garçon qui a fui l’Iran accompagné de sa soeur Banafshe (Banafshe Hourmazdi). Amon semble à l’évidence attiré lui aussi mais s’il ne cache pas son homosexualité à sa soeur, il tient à rester discret vis-à-vis des autres hommes réfugiés qui le pensent hétérosexuels. Pas vraiment au clair avec son orientation sexuelle, il n’assume pas vraiment. 

Conscient qu’il ne sera pas aisé d’approcher ce brun ténébreux, Parvis se rapproche de sa soeur avec laquelle il tisse une belle amitié. Et c’est par cette relation qu’il va peu à peu se rapprocher d’Amon. Alors qu’une idylle commence à naître entre les deux garçons et que Parvis, Amon et Banafshe forment un heureux trio la dure réalité va hélas les rattraper…

no hard feelings film

Avec ce premier long-métrage, le réalisateur Faraz Shariat livre une réflexion sensible et poussée sur l’identité. La difficulté de concilier origines iraniennes et homosexualité, le vertige de Parvis qui baigne dans ses origines tout en se sentant curieusement étranger en permanence (ayant grandi en Allemagne il ne se sent pas vraiment iranien mais pas vraiment allemand non plus), le vertige d’Amon et de sa soeur Banafshe qui ont fui l’Iran en espérant pouvoir être libres mais dont la présence sur le sol allemand est loin d’être garantie. 

Ces trois jeunes déracinés forment un trio attachant, cherchant à trouver leur place dans un monde qu’ils ne comprennent pas forcément ou inversement. Le thème de la double appartenance culturelle est traité en profondeur, de façon très intime. Et face à la sensation d’être condamné à rester paumé, d’être marginal malgré soi, s’opposent des vagues d’amour sous toutes les formes. L’amour de la mère de Parvis pour son fils à qui elle a dédié son existence, l’amour du père de celui-ci qui ne juge pas son fils « différent », l’amour frère-soeur entre Amon et Banafshe, l’amitié entre cette dernière et Parvis et enfin et surtout l’amour entre Parvis et Amon. 

no hard feelings film

A l’instar de ses protagonistes, le film a ce je ne sais quoi un peu destroy, éclaté, morcelé et impose un rythme à la fois un peu étrange et séduisant. L’oeuvre s’appuie beaucoup sur le charisme plein de naturel de son jeune trio et se plait à l’extirper de la dure réalité régulièrement le temps de parenthèses pop atmosphériques appuyées par une bande-originale de bon goût (on entend entre autres Nena ou Grimes). 

Avec une certaine pudeur, Faraz Shariat nous fait ressentir la douleur d’une jeunesse dont l’envol semble constamment freiné par des origines qui se rappellent à l’ordre, générant amertume et frustrations. C’est hybride, douloureux mais porté par l’espoir que la force de l’amour (quelqu’en soit la forme) permet toujours d’espérer des lendemains qui chantent. 

Film présenté au Festival Chéries Chéris 2021 et désormais disponible en DVD et VOD

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3