CINEMA
NOTRE DAME de Valérie Donzelli : fantaisie toujours
Avec Notre Dame, Valérie Donzelli propose une comédie française indé pleine de fantaisie et de légèreté. Un bonbon de cinéma qui fait du bien.
Dans un Paris où tout va vite, rythmé par les informations anxiogènes de la télé et de la radio, Maud Crayon (Valérie Donzelli) bataille au quotidien pour assurer sa survie et celle de ses deux enfants qu’elle élève seule sauf quand son ex compagnon, Martial (Thomas Scimeca), revient squatter son canapé car il s’est engueulé avec sa nouvelle copine. Cela fait maintenant un long moment que Maud a du mal à marquer sa séparation avec son ex et père de ses enfants. Il va et vient dans sa vie, par moments ils recouchent ensemble. Suite à un énième rapport, Maud découvre qu’elle est enceinte. Pas le temps de gérer la situation : elle a déjà beaucoup à faire avec son travail d’architecte précaire. Elle travaille en effet pour un véritable bourreau (Samir Guesmi) qui la fait trimer comme une malade alors qu’il lui refuse un contrat clair et sécurisant.
Tout bascule quand, par un tour de magie inexplicable, un projet d’architecture avorté de Maud finit par atterrir sur le bureau de la Mairie de Paris pour un concours visant à réaménager le parvis de Notre-Dame. Sa maquette est retenue et on lui confie ce projet de titan avec plus d’une centaine de millions entre les mains ! Déboussolée, Maud accepte l’opportunité et fait équipe avec son fidèle collègue Damien (Bouli Lanners). Ce chantier de grande envergure est couvert au quotidien par un charmant journaliste, Bacchus (Pierre Deladonchamps) qui s’avère être l’amour de jeunesse de Maud qu’elle avait maladroitement éconduit avant de se mettre en couple avec Martial. Prise dans un tourbillon de responsabilités et de sentiments, l’architecte va pendant plusieurs mois courir dans tous les sens, faisant face à de nombreux problèmes et dilemmes avant de peut-être enfin faire le tri dans sa vie et prendre son indépendance.
C’est le premier long-métrage de Valérie Donzelli sans son acolyte Jérémie Elkaïm et sans doute du coup celui qui signe son indépendance totale en tant que réalisatrice (on devine par ailleurs que le personnage de Martial, ex encombrant dont l’héroïne a bien du mal à se défaire, est inspiré de cette relation fusionnelle). Au fil de ses oeuvres, Donzelli a tissé un véritable univers, pop et fantaisiste, joliment référencé, avec un ton qui n’appartient qu’à elle. Notre Dame assume sa folie douce, son décalage, ses outrances et parfois un refus du réel pour capter quelque chose de très personnel de la vie d’une mère célibataire parisienne.
Tout défile ici à toute allure, c’est extrêmement divertissant, drôle, coloré, enfantin. Et cela en dépit de nombreuses choses qui viennent pourrir le quotidien du personnage principal. C’est toute la magie du film : Maud a beau voir tout exploser autour d’elle et être submergée par les responsabilités, elle court avec le sourire, ne baisse jamais les bras et finit toujours par retomber sur ses pieds. C’est peu dire qu’elle a les épaules chargées : des enfants à élever, des factures qui s’accumulent avec la peur de ne jamais en voir le bout, un travail précaire suivi d’un nouveau projet titanesque sur lequel tout le monde finit par avoir un avis, un ex encombrant qui n’en fait qu’à sa tête, un ancien amour plein de rancoeur… A l’écran, le chaos ne va jamais avec le pathos. Au contraire, il est joyeux. C’est un peu le crédo du cinéma de Donzelli : quand quelque chose s’abat sur ses personnages, ils souffrent peut-être mais ils restent très vivants, pleins de ressources et s’en sortent par des pirouettes magiques.
L’humour absurde réserve son lot de situations tordantes et improbables, la valse des sentiments entre les personnages est pleine de tendresse et ornée d’un romantisme pop vintage qui assume avec délice ses petites kitscheries. L’ensemble est farfelu, singulier, hors du temps, débordant de charme et faisant souffler un vent de légèreté alors que tout fout le camp. Un véritable feel good movie à la française, tendre, délicatement féministe (Maud Crayon est mine de rien une véritable super héroïne dans son genre), attachant par son caractère « bricolé / fait-main ». Avec en bonus un Pierre Deladonchamps irrésistible et une réflexion pleine de malice sur les aléas de ceux qui créent à une époque où tout le monde a la critique acerbe et facile.
Film sorti le 18 décembre 2019