NULLE PART AILLEURS (Nowhere) de David et Francisco Salazar : l’amour et la green card

By Gaspard Granaud | 21 septembre 2024

Film mêlant thématiques LGBT et aspect social, Nulle part ailleurs (Nowhere en VO), réalisé par un duo de frères réalisateurs, témoigne d’une belle sensibilité. 

New York. Adrian (Miguel Gonzàlez), immigré colombien, travaille dans le marketing et avance bien dans sa carrière professionnelle. Il est sur le point d’obtenir les papiers lui permettant de rester sur le sol américain. Il partage sa vie et son appartement avec son petit ami dont il est très amoureux, Sebastian (Juan Pablo Castilblanco). Tous les deux ont fui la Colombie suite au coming out désastreux de Sebastian et la peur d’un résultat similaire pour Adrian. Aux Etats-Unis ils peuvent s’aimer librement. 

Le couple coule des jours heureux mais voilà que subitement Sebastian se fait licencier. Obtenir une green card va être très compliqué pour lui. Cela met en péril tout le projet de son couple. Déterminé à se battre, Adrian va tout tenter pour lui permettre de ne pas se faire expulser: demander à des amis s’ils accepteraient de simuler un faux mariage, rencontrer une organisatrice de mariages arrangés pour les papiers (et tenter de demander à ses parents de l’argent pour la payer), essayer de faire embaucher Sebastian sur son lieu de travail… Alors que le couple se heurte à de nombreux problèmes et est confronté à l’individualisme des uns et des autres, l’angoisse monte et des doutes commencent à naitre. 

Sebastian se questionne : la solution ne serait-elle pas de rentrer en Colombie ? Mais cela obligerait Adrian à faire un trait sur son rêve américain et à faire un coming out qui le tétanise d’avance auprès de ses parents… 

Le film gagne rapidement la sympathie du spectateur grâce à l’alchimie très mignonne et tendre qui émane du couple gay joliment incarné qu’il met en scène. Et on va avoir mal et peur pour les deux garçons quand le personnage de Sebastian va subitement perdre son emploi. On traverse dès lors à leurs côtés une douce mais certaine descente aux enfers. Naïvement, ils pensent pouvoir demander de l’aide aux gens autour d’eux. Mais les amis les plus proches et les boss les plus sympas peuvent dévoiler un autre visage quand leur propre confort et individualité sont sollicités… Même si cela est douloureux, on peut comprendre les réactions des personnes qui disent non au couple en détresse. Le long-métrage nous interroge : qu’aurions-nous fait à leur place ? 

Nulle part ailleurs joue sur plusieurs tableaux : un aspect social avec la question de l’immigration, un aspect militant en montrant la difficulté encore réelle pour de jeunes colombiens d’assumer leur homosexualité face à des parents qui peuvent les renier et enfin un aspect plus sentimental alors que le couple principal va être mis à rude épreuve, révélant les faiblesses de chacun. Alors que le système qui ne leur fait pas de cadeaux fragilise leur couple, Adrian et Sebastian paniquent et remettent beaucoup de choses en question. La meilleure amie de Sebastian fait remarquer à celui-ci qu’il a mis entre parenthèse ses aspirations professionnelles pour suivre son compagnon aux Etats-Unis. Adrian y a poursuivi sa carrière quand Sebastian a dû se résoudre à faire des petits boulots pas très épanouissants. Pourquoi Adrian ne lui renverrait-il pas l’ascenseur maintenant ? 

Petit à petit on découvre le caractère dominant, un peu autoritaire, capricieux d’Adrian qui est quelqu’un qui a l’habitude du contrôle et qui ne supporte pas de voir sa vie doucement lui échapper. S’il agit mal par moments, on ressent aussi sa douleur et sa panique. 

La mise en scène est assez classique et générique mais l’écriture des personnages, subtile, s’appuyant sur différentes couches, est efficace et nous fait ressentir toute l’impuissance qui va de pair avec la situation compliquée qui menace l’équilibre de ses deux personnages attachants. 

Film produit en 2020 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen