CINEMA
NUMÉRO UNE de Tonie Marshall : chemin de croix
L’égalité hommes-femmes c’est toujours pas gagné . Tonie Marshall se penche avec Numéro Une sur le périple d’une femme brillante, ayant gravi les échelons dans une entreprise spécialisée dans l’énergie. Elle s’appelle Emmanuelle Blachey (Emmanuelle Devos), elle dort 4 heures par nuit et consacre la grande majorité de sa vie à son boulot. Précise, archi polyvalente, pleine de ressources, dotée d’un sens du contact hors pair que ses collègues hommes lui jalousent : elle est extrêmement compétente. Un réseau de femmes d’influence la contactent pour lui proposer de briguer une place des plus enviées : le poste de PDG d’une entreprise du CAC 40. Ce serait la première personne de sexe féminin à y accéder.
D’abord réfractaire à se lancer dans l’aventure (comme elle le précise, Emmanuelle à passé sa vie à vouloir faire oublier qu’elle était une femme pour s’imposer et s’appuyer sur un réseau féministe la perturbe), les sirènes du pouvoir et le goût du challenge lui donnent envie d’y aller. Mais plus qu’une simple campagne de séduction, ce qui l’attend va prendre la forme d’ une véritable guerre : dans les hautes sphères du CAC 40, les hommes avaient déjà des plans en tête et ne comptent surtout pas se faire dépasser par « l’autre sexe ».
Une lutte acharnée commence où tous les coups seront permis. Sur le plan professionnel comme personnel, Emmanuelle va devoir faire face à une série d’intimidations et de manipulations. Elle va rapidement comprendre que pour devenir cette Numéro Une elle devra faire plus d’un sacrifice.
La réalisation de ce thriller social / féministe est assez classique mais efficace. La tension est au rendez-vous et Emmanuelle Devos est parfaite comme elle sait l’être. Le personnage d’Emmanuelle est déterminé et humain à la fois. Il montre la difficulté d’une femme forte et brillante à affirmer ses ambitions et mener ses combats tout en tentant de préserver avec plus ou moins de succès sa sphère intime. Avec finesse, Tonie Marshall expose toute la misogynie sournoise qui persiste dans le monde de l’entreprise. Les femmes dirigeantes sont considérées comme des « salopes », des pestes, on a du mal à accepter leur autorité, on tente de dévaluer leur parole ou leurs réussites.
Numéro Une raconte avec un joli suspense le chemin de croix d’une aspirante PDG qui va se prendre en pleine face un nombre assez incroyable de crasses. En dehors des jeux de pouvoir, l’héroïne essaie de rester une épouse et une mère mais on lui reproche souvent de ne penser qu’à elle… Eternel dilemme et épreuve pour les femmes de combiner leur carrière avec le reste. Le mari la trouve égoïste, les enfants pointent son absence, son père malade – un ancien prof – regrette qu’elle soit autant attirée par le pouvoir… En écho lointain, le sujet de la disparition tragique de la mère d’Emmanuelle, le traumatisme à dépasser d’une femme qui a lâché jadis sous la pression.
Très bien ficelé et engagé, l’ensemble, outre l’interprétation d’Emmanuelle Devos, peut compter sur un casting au top aussi bien du côté des seconds rôles féministes (Suzanne Clément, Franciné Bergé et Anne Azoulay) que des seconds rôles masculins qu’on adore détester (Richard Berry et Benjamin Biolay). De quoi donner envie de se remettre au combat.
Film sorti en 2017 et disponible en VOD