FICTIONS LGBT
PARTY MONSTER de Fenton Bailey & Randy Barbato : trouble fête
Après une enfance désastreuse, Michael Alig (Macaulay Culkin) fuit sa petite ville pour tenter de devenir quelqu’un à New York. Introverti et maladroit, il saute sur James Clark (Seth Green), gay fêtard, excentrique et branché, qui commence à avoir une notoriété certaine dans le milieu de la nuit. D’abord méprisant, James accepte de lui apprendre à devenir « fabuleux », transformant le petit blondinet mal dans ses pompes et hésitant en apprentie « reine de la nuit ».
Michael ne connaît pas grand monde, sort de nulle part, mais il se bat pour promouvoir et faire exister ses premières soirées dans une boîte de la ville jusqu’alors désertée par les clubers. Le propriétaire du lieu, Peter Gatien (Dylan McDermott) lui offre sa confiance malgré des débuts plus que timides. Puis, subitement, la sauce prend. Par son entêtement et sa créativité, sa folie aussi, Michael finit par susciter la curiosité en organisant des soirées décalées, où tout semble permis et dans lesquelles la marge devient la norme. Sentant le vent tourner, James ne le quitte plus et devient son plus fidèle ami.
Le succès des événements nocturnes organisés par Michael finit par dépasser toutes les espérances. Il devient le représentant d’un mouvement, d’une génération : les « Club Kids ». Alors que le jeune homme prend une véritable revanche sur la vie (il est adulé, respecté, sort avec un très beau garçon qu’il a transformé en DJ, n’est plus jamais seul), Michael entame sans vraiment s’en rendre compte sa propre descente aux enfers quand il prend de la drogue pour la première fois. Dès lors, il n’aura plus aucune limite. De quoi faire exploser son imagination débordante mais aussi transformer ses sympathiques excentricités en folie pure, en débordements mettant en danger les autres aussi bien que lui-même…
Adaptation du livre Disco Bloodbath de James St. James, inspiré de faits réels, Party Monster, comme bon nombre de films devenus cultes, connut un accueil très mitigé lors de sa sortie en salles en 2003 (et ne connût qu’une sortie en DVD en France). On peut comprendre pourquoi : Fenton Bailey et Randy Barbato livrent là une œuvre totalement queer, excentrique, mettant en scène des personnages de paumés parfois irritants et égoïstes. L’absence de budget conséquent se fait parfois sentir, l’image ne cherche jamais à être particulièrement jolie. Et pourtant il s’en dégage quelque chose de singulier, de bizarrement fascinant. De l’ultra kitsch, la laideur même parfois, émane une sorte de folie colorée, une liberté comme on en voit peu au cinéma. La jeunesse turbulente et livrée à elle-même que dépeint le film n’obéit à aucune règle. Les personnages sont difficiles à appréhender, semblant la majeure partie du temps en roue libre. De quoi donner lieu à des scènes souvent surprenantes et jouissives.
La bande-originale colle parfaitement aux images (Ladytron, Vitalic, Tomcraft, Scissor Sisters, Stacey Q…), Macaulay Culkin livre une performance pour le moins explosive en kid tentant d’exister et de transformer une vie pathétique en un rêve pailleté et poudré. Si les différents personnages ont tous quelque chose de profondément triste, le scénario évite tout pathos, préférant jouer la carte de la comédie sous acide. De quoi déstabiliser le spectateur mais aussi et surtout l’entraîner au cœur d’une fiction au style très particulier, au ton insolent.
Le duo de réalisateurs parvient à retranscrire à la fois la joyeuse folie des Club Kids et leur profonde mélancolie. Haut en couleurs, impitoyable parfois, toujours surfait, Michael Alig est un personnage passionnant et ambivalent, indéniablement autodestructeur. Derrière le masque de l’organisateur de soirées décadentes se cache un petit garçon traumatisé qui a peur d’être abandonné. C’est d’ailleurs sa rupture avec son petit ami Keoki qui le fera plonger dans la drogue.
A la fois pop et glauque, drôle et dérangeant, Party monster est une œuvre inclassable, entre maladresses et lourdeurs (les apostrophes ringardes face caméra, quelques ralentis de mauvais goût) et incroyable énergie. C’est comme si le métrage contenait tous les rêves, la folie et le désespoir d’une génération perdue. Le casting a sérieusement de la gueule (outre Macaulay Culkin s’y illustrent Chloë Sevigny, Dylan McDermott, Marilyn Manson ou encore Mia Kirshner), la mise en scène un brin dingo permet de dérouler un univers propre. Une singulière descente aux enfers, qui à force de tout tourner à la dérision, de ne pas se prendre au sérieux finit bien par émouvoir et marquer. Sale et inconfortable mais ô combien galvanisant.
Film sorti en 2003 et disponible en DVD