FICTIONS LGBT
PLEIN SUD de Sébastien Lifshitz : jeunes et beaux amoureux solitaires
C’est l’été et Sam (Yannick Renier) a décidé de partir sur la route. Direction l’Espagne pour retrouver sa mère, fraichement sortie de l’hôpital psychiatrique où elle séjournait depuis 20 ans. Avec lui dans la voiture : Léa (Léa Seydoux) et son frère Mathieu (Théo Frilet). La première vient d’appendre qu’elle est enceinte et ne sait pas si elle va garder le bébé, elle s’ennuie constamment et passe sa vie à fuir. Le second suit Sam comme un petit chien, espérant qu’un jour il daignera répondre à ses avances. Se joint au voyage le joli Jérémie (Pierre Perrier), rencontre de hasard de Léa qui compte bien faire succomber la belle.
Alors que les kilomètres défilent entre délires insouciants et prises de tête, les fantômes du passé reviennent hanter Sam. Sa confrontation à venir avec sa mère le rend inquiet. Une mère qui a fait de son enfance un cauchemar. Une enfance marquée par la mort tragique et l’absence de son père. Au milieu des vagues et des fêtes, nos jeunes trouveront-ils l’amour sur leur route ?
Début de film explosif avec un générique sexy et ravageur : Léa Seydoux danse comme une tigresse devant un Yannick Renier perplexe. « Toujours rien ? » lui demande-t-elle. Non. Le personnage de Sam n’est pas très démonstratif, c’est le moins que l’on puisse dire. Un garçon solitaire, même quand il est avec les autres, renfermé sur lui-même, incapable de témoigner le moindre signe d’affection. Le gentil Mathieu le cherche, l’attend, mais rien.
Progressivement des flashbacks dévoilent Sam enfant, nous montrent ce qui l’a amené à devenir ce qu’il est, un être incapable de composer avec l’amour des autres, fuyant. Le problème vient de la mère, une relation difficile, complexe, comme c’est souvent le cas dans le cinéma de Sébastien Lifshitz (les mamans de Presque Rien et Wild Side étaient sur le point de mourir, ici maman est folle). Privé d’une enfance normale, Sam se cherche encore et espère peut-être se trouver sur la route. Il a un frère, ils ne sont plus très proches. Sans s’en rendre compte, Sam a finalement trouvé une famille de substitution avec ses amis de passage, Léa et Mathieu, tout aussi largués que lui.
Plein Sud est une véritable invitation au voyage, 1h30 passée entre les routes et les arrêts. Un spectacle de toute beauté, des plans aérés, qui laissent la nature s’exprimer et refléter les états d’âmes vaporeux des protagonistes. Il y a tout le métrage durant une ambiance de vacances, le soleil qui tape sur les têtes, les vagues qui invitent à la baignade mais qui laissent aussi présager la fougue et la fugacité des sentiments, qui rappellent les difficiles souvenirs. Par un montage habile, le réalisateur dessine progressivement les contours d’un garçon abimé par le passé, qui avance sans bien regarder devant lui, peine à s’ouvrir au monde et aux autres. Au devant de sa voiture, Sam a le regard inflexible, il ne s’autorise rien. Si on avait déjà pu admirer la beauté plastique et les talents d’interpréttion de Yannick Renier auparavant, Lifshitz lui offre ici indéniablement son plus beau rôle, d’une sensibilité assez inouïe.
Sam garde avec lui un flingue, le flingue avec lequel son père s’est un jour mis une balle dans la tête. Un objet qui représente à la fois les stigmates d’un passé insupportable et qui en même temps est la dernière chose qu’il lui reste de cet homme qu’il aura au final peu connu. On pourrait vite dire que le gaillard se tire lui-même une balle dans le pied, qu’il refuse de tourner la page même si son voyage est bien entendu porteur de l’espoir de faire la paix avec lui-même.
Si Yannick Renier porte le film en grande partie, il est entouré de jeunes comédiens aux partitions diablement séduisantes. Théo Frilet joue parfaitement l’amoureux transi et l’ébauche de relation entre les deux garçons aura de quoi susciter de vives émotions. Quant à Léa Seydoux, elle est juste parfaite en bimbo malgré elle, refusant de croire à l’amour pour se donner une carrure mais flanchant peu à peu au contact d’une romance de vacances qui pourrait qui sait se muer en quelque chose de bien plus profond.
A la fois drame familial pudique et tranche de vie sur une jeunesse en errance, Plein Sud regorge de chaleur, de beauté, de moments futiles et de questions propres à un âge sensible. Comme le dit si bien la magnifique chanson de Lesley Duncan , Love Song, que l’on trouve au centre du film : « The words i have to say well may be simple but they’re true / Love is the opening door, love is what we came here for (…), love is the key we must turn ». On aurait pas dit mieux pour ce road movie sensuel et habité qui caresse nos yeux et notre âme par sa belle et touchante simplicité.
Film sorti en 2009 et disponible sur la plateforme de Films LGBT Queerscreen