FICTIONS LGBT
POURQUOI PAS TOI (Hochwald) de Evi Romen : no future ?
Premier long-métrage d’Evi Romen, Pourquoi pas toi (Hochwald en VO) suit l’itinéraire d’un jeune gay rêvant de devenir danseur mais prisonnier de son petit village du Tyrol et du poids des regards. Un film imprévisible, pour ne pas dire brouillon, porté par la grâce de son jeune comédien Thomas Prenn.
Hochwald, petit village du Tyrol, isolé dans les hauteurs, accessible par téléphérique. Les habitants forment une petite communauté où tout le monde se connait plus ou moins et s’observe. Dans cet environnement conservateur, le jeune Mario (Thomas Prenn) détonne facilement, lui qui rêve de devenir danseur et de pourquoi pas passer à la télévision italienne. Pour gagner un peu d’argent, il travaille entre autres avec son beau-père dans une boucherie (qui lui passe quelques billets en plus contre quelques faveurs sexuelles).
N’assumant pas ouvertement son homosexualité, implosant légèrement alors qu’il redoute de voir ses rêves de danse s’envoler et de finir sa vie dans ce trou paumé, Mario trouve une bouffée d’air frais quand débarque au village son vieil ami Lenz (Noah Saavedra). Un beau garçon avec qui il entretient une forme d’amitié-amoureuse. Lenz est parti vivre à Rome, commence à y faire sa place dans le milieu artistique, a un agent. Mario espère pouvoir tout quitter et le rejoindre.
Alors qu’il est en visite à Rome et passe la soirée avec Lenz dans un bar gay, tout bascule quand des terroristes débarquent. Lenz est abattu.
Logiquement traumatisé par la disparition de celui qui était un peu son seul ami mais aussi une forme de porte de sortie, Mario retourne à Hochwald où personne ne comprend ce qu’il s’est passé (Lenz n’avait pas fait son coming out). Fuyant ses traumas, son mal-être et le regard des autres, Mario se perd dans la drogue avant de rencontrer Nadim (Josef Mohamed), une vieille connaissance (ils s’étaient rencontrés quand Mario pensait poursuivre une carrière de pâtissier). Nadim est un jeune musulman qui a un rapport très doux à l’Islam, ce qui va intriguer Mario…
Il y a du bon et du moins bon dans ce premier long-métrage particulièrement déroutant. Evi Romen réussit à bien poser le cadre singulier du petit village conservateur d’Hochwald, avec sa petite communauté qu’on devine pas franchement moderne et bienveillante. Dans ce cadre où il faut filer droit, Mario est clairement en marge. Il veut devenir danseur, il est gay, il prend de la drogue, a l’air tout le temps ailleurs… La mise en scène, soignée, s’accroche beaucoup à la moue attachante de son jeune acteur principal Thomas Prenn. Il apporte beaucoup de sensibilité au personnage à vif qu’est Mario. Un garçon perdu qui étouffe dans son trou perdu et qui ne sait plus vraiment où aller ou quoi faire pour s’en sortir.
Outre une forme élégante et souvent sensorielle, le film a pour lui d’étonner, de surprendre, nous plongeant dans une certaine confusion. On se demande au final de quoi ce long-métrage va parler, vers quoi il se destine. Et c’est un peu le problème majeur de Pourquoi pas toi : il ne va pas forcément quelque part ! Souffrant de nombreuses longueurs, manquant un peu d’enjeux, il nous laisse avec un goût d’inachevé quand débarque le générique de fin. Tout ça pour ça ? Frustrant, assurément, mais pas inintéressant car en biais Evi Romen signe un portrait atypique de jeune artiste hypersensible, paumé et en proie au spleen dans une bourgade asphyxiante. Un étrange premier film qui à l’instar de son personnage principal semble encore se chercher.
Film produit en 2020 et présenté lors de la 27ème édition du Festival Chéries Chéris