FICTIONS LGBT
PRISON DE CRISTAL de Agusti Villaronga : mal total
Dans l’Espagne franquiste, Klaus (Gunter Meisner), ancien SS ayant torturé une multitude de petits garçons et y ayant pris goût, enlève un jeune homme et le séquestre jusqu’à la mort. Suite à cet énième crime, désespéré, il tente de se jeter dans le vide. Mais il se rate et finit par être enfermé dans sa vaste demeure, maintenu en vie par un appareil respiratoire type « poumon d’acier ». Sa femme, Griselda (Marisa Paredes), veille sur lui ainsi que sa petite fille Rena. Mais Griselda commence à ne plus supporter cette vie glauque.
C’est alors que débarque Angelo (David Sust), jeune homme à la beauté froide et au comportement énigmatique. Bien qu’il ne semble avoir aucune expérience en la matière, Klaus insiste pour qu’il devienne son infirmier personnel. Griselda se méfie de lui… à juste titre. Angelo n’est autre qu’une ancienne victime de son époux : alors qu’il était tout petit, l’homme avait abusé de lui. Traumatisé et fortement déséquilibré, Angelo a développé une fascination malsaine pour son bourreau. Il a trouvé un journal intime dans lequel ce dernier racontait ses « expériences » sordides pendant la guerre et le plaisir vertigineux qu’il y prenait. Décidé à « perpétuer son oeuvre », le vénéneux et érotique infirmier va se mettre à prendre possession de la maison de Klaus et à la transformer en un terrain pour ses jeux sadiques et macabres…
Ca ne fait aucun doute : la vision de Prison de cristal (Tras el cristal en VO et In a glass cage pour le titre international) ne s’oublie pas ! Le réalisateur Agusti Villaronga nous plonge dès les premières minutes dans une atmosphère glauque à souhait, nous présentant Klaus, ancien SS, sadique et franchement pédophile sur les bords, en train d’enlever la vie à une jeune victime. C’est ultra réaliste, on ressent tout le caractère poisseux et morbide de la situation, puis s’enchaine un générique sur fond de photographies de petits garçons avant qu’ils ne dépérissent dans des camps de concentration ! Les scène suivantes jouent, avec brio et portées par une mise en scène inventive et maîtrisée, à fond la carte de l’horreur. La maison dans laquelle Klaus est retenu, paralysé suite à sa tentative de suicide ratée, est digne d’une baraque hantée.
La première partie de Prison de cristal n’en finit plus de nous absorber, de nous amener à nous accrocher à notre siège tout en distillant une tension érotique ultra malsaine. Le film capitalise beaucoup sur l’antihéros fêlé qu’est Angelo, magnifiquement incarné par l’attirant David Sust. Ainsi, au détour d’une scène, voit-on le jeune sadique en devenir grimper dans la machine respiratoire de son ancien bourreau, débranchant un temps le système de façon à l’asphyxier brièvement pour lui faire une gâterie. Une autre scène aussi audacieuse que difficilement supportable nous montre le jeune éphèbe en plein onanisme alors qu’il parle de mort et de pédophilie… Clairement il faut avoir l’estomac bien accroché.
La faille de ce projet, plastiquement irréprochable et doté de personnages très retors, est aussi ce qui fait de lui une sorte de curiosité : il n’hésite jamais à aller trop loin. La deuxième partie du métrage aligne pour le coup de façon plombante les scènes de séquestration et fait vivre au spectateur un véritable cauchemar éveillé.
Cinéaste doué, Agusti Villaronga nous amène à ressentir les choses par le regard tordu d’Angelo, nous place dans la tête d’un tueur pédophile, épousant sa soif de jeunes garçons à transformer en bétail pour des exercices pervers et morbides. Toujours à la lisière de l’insoutenable, basculant de plus en plus vers la folie la plus infâme, le film fait franchement froid dans le dos. En opposition à un Angelo qui s’abandonne progressivement à sa monstruosité, le personnage de Klaus semble tenté de se repentir. On en viendrait presque à le plaindre si les flashbacks ne venaient pas nous rappeler qu’il est à l’origine de cette descente aux enfers. Subtilement et férocement, Prison de Cristal nous invite à endurer une variation sur le Mal sous son visage le plus contagieux et tétanisant. Alors que la dernière image s’affiche à l’écran, il ne reste plus une once d’espoir. Un film diabolique à ne pas mettre entre toutes les mains…
Film sorti en 1987 et disponible en DVD