CINEMA

QUI A PEUR DE VIRGINIA WOOLF ? de Mike Nichols : couple monstre

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George (Richard Burton) et Martha (Elizabeth Taylor) rentrent d’une soirée qu’on devine déjà assez arrosée. Entre complicité, humour et début d’humiliation, nous entrons directement dans l’intimité d’un couple tempétueux. Mais la soirée est loin d’être terminée : Martha a invité  un jeune couple fraichement installés dans le coin, Nick (George Segal) et Honey (Sandy Dennis), à prendre un verre. Les invités vont rapidement se retrouver mêlés à des scènes de ménage dont ils se seraient bien passés.

Martha, femme castratrice par excellence, se plait à se moquer de son loser de mari. Professeur d’Histoire sans grandes ambitions, George n’a pas su épater son épouse comme elle l’espérait, elle qui idolâtre son père qui n’est autre que le directeur de l’école où officie son conjoint. Face à lui, le jeune et vif Nick, professeur de biologie. Désirable, désireux de faire carrière. Progressivement, la haine du couple d’hôtes va agresser ses nouveaux voisins et révéler leurs failles. Alors que l’alcool coule à flot, chacun se désinhibe et révèle ce qu’il y a de plus horrible en lui. Ou l’enchainement d’une collection de règlements de comptes de plus en plus déplacés, haineux, impudiques. Personne n’en sortira indemne.

Le cinéaste Mike Nichols adapte à l’écran la pièce d’Edward Albee et réunit pour l’occasion le couple mythique et sulfureux Richard Burton/Elizabeth Taylor. Ces deux monstres de cinéma sont fascinants dans leur interprétation, extrêmement jouissive, au bord de la folie. Une grande partie des dialogues de la pièce a été conservée et cela donne lieu à des échanges aussi grandioses que terrifiants de méchanceté, de vulgarité même. C’est le portrait d’une déchéance humaine, de celle du couple, d’un couple qui a accumulé les revers et les frustrations et qui ne parvient plus à s’aimer que dans l’affrontement perpétuel.

Se déroulant en majorité en huis clos, ambiance étouffante de rigueur, Qui a peur de Virginia Woolf ? est une œuvre radicale, immorale et d’une intensité rare. Si le spectacle passionne grâce à des acteurs qui s’en donnent à cœur joie, on passe du rire à la consternation, du mince espoir à la fatalité. Le scénario est un régal, la mise en scène sobre et parfaitement étudiée. Un long métrage audacieux, un drame psychologique extrêmement malsain qui laisse le mal s’emparer de toutes les bonnes âmes. Les personnages se mettent à nu sans filet et vident leur sac avec une lâcheté ou une rage comme on a rarement vu ça dans une oeuvre de cinéma.

Film sorti en 1967. Disponible en DVD et VOD.

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3