CINEMA
RAPHAËL OU LE DÉBAUCHÉ de Michel Deville : le vice et la vertu
Amateurs de romances en costumes ne pas s’abstenir : Raphaël ou le débauché est superbe histoire d’amour impossible portée par le duo Maurice Ronet et Françoise Fabian.
1830. Aurore (Françoise Fabian) passe la majeure partie de son temps avec ses cousines, à aller à l’hôpital voir des malades et des lépreux ou à prier à l’église. Veuve, femme pieuse à la beauté éclatante, elle ne s’intéresse pas aux jeux de l’amour qui obsèdent tant ceux qui l’entoure. C’est alors que surgit Raphaël de Lorris (Maurice Ronet), un cavalier en pleine errance.
Les jours et les nuits de ce débauché se ressemblent inlassablement : il reste avec ses amis à faire des folies, buvant jusqu’à en être minable, faisant le tour des bordels ou draguant de pauvres jeunes femmes naïves qu’il traite ensuite comme un goujat. D’après lui il n’y peut rien, c’est ancré en lui : une femme ne peut l’intéresser que si elle se refuse à lui. Persévérant, il essaie de les faire flancher et y arrive presque toujours… et à ce moment-là il perd tout intérêt. Nombreuses sont celles y avoir laissé des plumes ou même leur vie.
Forcément, alors que la belle et froide Aurore lui résiste et dit être triste pour lui de mener une vie si vide et chaotique, le cavalier s’obsède à vouloir lui faire la cour. Mais alors qu’il finit par séduite Aurore, l’un comme l’autre ont l’impression d’être maudits. Aurore se voit tomber amoureuse d’un libertin décadent qui met à mal tous ses principes. Raphaël , pour une fois doté d’empathie, ne veut pas qu’ils couchent ensemble car il refuse de la traiter aussi mal que celles qui l’ont précédée…
Pour beaucoup de cinéphiles, Raphaël ou le débauché, est un des grands chefs d’oeuvre de Michel Deville. Et comment ne pas leur donner raison ? Il y a déjà bien sûr le duo Maurice Ronet et Françoise Fabian, absolument magnifiques qui donnent une grande ampleur à leur personnage romantique entamant une véritable descente aux enfers.
Un homme débauché, une femme pieuse : forcément c’est compliqué. On est à la fois touché profondément par le personnage d’Aurore, si belle et de plus en plus fragile qui succombe à la passion et voit tous ses principes et ses valeurs s’effondrer. Elle se révèlera tristement prête à tout pour essayer d’obtenir cet homme qui a touché son coeur comme cela ne lui était jamais arrivé. De femme forte dénuée d’intérêt pour les hommes on la voit plonger, s’abaisser, se souiller.
Raphaël, personnage plus trouble et qui fait beaucoup de mal autour de lui, touche étonnamment tout autant. On comprend la blessure de cet homme qui est dans l’auto destruction permanente, qui ne peut résister à ses pulsions bestiales et à son attrait pour le vice. Aurore fait ressortir ce qu’il y a de plus beau en lui, réveille son humanité mais il considère qu’il est trop tard et se persuade qu’il ne pourra jamais être comme ces gens ordinaires se contentant d’un amour simple et monogame.
Par sa mise en scène, Michel Deville nous fait ressentir les tourments de ses deux amoureux qui n’en finissent plus de se blesser et son oeuvre qui commençait un peu comme un conte de fées se transforme en vaste cauchemar. Les ruelles sombres, la crasse, les bordels, les petits matins chargés en mélancolie avec la gueule de bois et/ou le mal au coeur. A la fois triste et puissante, une sublime romance impossible à la noirceur aussi fascinante que déchirante.
Film sorti en 1971. Disponible en DVD