CINEMA
REBECCA de Ben Wheatley : dure comparaison
Nouvelle adaptation de l’oeuvre culte de Daphné Du Maurier, le nouveau film Rebecca, réalisé par Ben Wheatley, dévoile une nouvelle lecture du roman et prend, comme avait pu le faire Hitchcock, des libertés avec le récit original. Avec Armie Hammer et Lily James en tête d’affiche.
Monte-Carlo. Une jeune femme (Lily James) travaille comme dame de compagnie pour une mondaine légèrement tyrannique sur les bords, Madame Van Hopper (Ann Dowd). Cette dernière aimerait profiter du passage du richissime Maxim de Winter (Armie Hammer) dans son hôtel pour sympathiser avec lui. Mais suite à un malheureux concours de circonstances, elle rate son coup et tombe malade par la même occasion.
C’est finalement la jeune dame de compagnie qui va se rapprocher contre toute attente de Monsieur de Winter. Endeuillé suite à la disparition récente et tragique de son épouse Rebecca, il semble trouver auprès de cette fille modeste un vent de fraicheur et de spontanéité qui parvient à lui redonner le sourire. Ils accumulent en cachette, derrière le dos de Madame Van Hopper, les rendez-vous, les balades de plus en plus romantiques.
Découvrant la liaison, Madame Van Hopper décide de quitter l’hôtel et ainsi de séparer les jeunes amants. C’est alors que Maxim de Winter demande en mariage le nouvel objet de son affection !
La nouvelle Madame de Winter croit vivre un conte de fées, débarquant dans le chateau de Manderley, mariée à un homme qui a l’allure d’un prince charmant. Mais à peine est-elle arrivée qu’elle réalise qu’être l’épouse de cet homme ne sera pas de tout repos. On ne cesse de la comparer à Rebecca et le fantôme de cette dernière est dans tous les esprits. La gouvernante de Manderley, Madame Danvers (Kristin Scott Thomas) était particulièrement proche de la défunte et va transformer le quotidien de celle qui lui succède en petit enfer.
Plus les jours passent et plus la nouvelle femme de Maxim se sent un peu moins à la hauteur. De l’avis de tous, Rebecca était une femme magnifique, intelligente, à l’élégance folle. La comparaison est inévitable et fait mal. Alors que Maxim s’éloigne progressivement d’elle, la jeune héroïne se met à douter de sa longévité à Manderley. Elle va progressivement découvrir, pourtant, que les apparences sont trompeuses…
L’adaptation de Rebecca par Hitchcock constitue pour de nombreux cinéphiles un des meilleurs longs-métrages du réalisateur. Le film, doté d’un superbe noir et blanc, n’a pas pris une ride. On peut donc être sceptique sur l’intérêt de cette nouvelle version en couleur. Ce qui est assez drôle ici, c’est que ce film est quelque part dans la même position que son héroïne : on ne peut s’empêcher de le comparer à son prédécesseur, tellement abouti, réussi, marquant. Il fait un peu cheap à côté mais on a quand même de la sympathie pour lui.
La mise en scène de Ben Wheatley est plutôt élégante, la première partie à Monte-Carlo est notamment très belle. Il manque toutefois un peu de souffle, de mystère, une atmosphère hypnotique et ensorcelante.
Le casting est un joli sans faute et tout le monde est parfaitement à sa place. Lily James est touchante de fragilité (et l’idée de lui donner le rôle principal à elle qui a interprété le rôle de Cendrillon est une bonne idée, bien sentie pour cette histoire qui commence comme un conte de fées et bascule doucement vers le cauchemar). Armie Hammer n’a peut-être pas la classe folle de Sir Laurence Olivier mais il fait un beau Maxim de Winter, ici faux prince charmant blond, tourmenté et romantique. Kristin Scott Thomas est parfaite dans la peau de Madame Danvers. Et Ann Dowd, la Tante Lydia de la série Handmaid’s Tale, rend bien justice à cette peau de vache de Madame Van Hopper.
Cette nouvelle transposition ne manque pas de charme et assure le divertissement (malgré tout de même quelques longueurs dans sa dernière partie), a de quoi combler les amateurs de romance sur fond de mystère et peut constituer une belle occasion pour ceux qui ne connaissaient pas le roman original et le film d’Hitchcock de les découvrir. C’est un film honnête qui reprend plutôt bien l’essence de la trame originale avec son héroïne d’un milieu modeste propulsée au coeur d’un univers bourgeois très rigide dont elle ne maîtrise pas les codes, personnage d’amoureuse rongée par un complexe d’infériorité sur tous les plans.
Tout dépend dans quel état d’esprit on visionne l’ensemble. Clairement, la version de Ben Wheatley ne fait pas le poids et souffre de la comparaison avec le chef d’oeuvre d’Hitchcock. Surtout la faute à une écriture qui se disperse un peu en cours de route et qui perd en force à mesure que le mystère se dilue. Il n’y a toutefois rien de honteux et le plaisir nostalgique de retourner à Manderley avec un nouveau regard n’est pas négligeable.
Film sorti en Octobre 2020 sur Netflix