CINEMA
RED SPARROW de Francis Lawrence : Jennifer Lawrence déchire tout dans un thriller vénéneux
Jennifer Lawrence nous avait bluffé et mis K.O dans le clivant « Mother! » (que beaucoup ont détesté mais qu’on a ici adoré au point d’en faire notre film préféré de 2017). L’actrice y révélait une profondeur et une dévotion totale qu’on ne lui connaissait pas. Elle plongeait à corps perdu dans un rôle maso et extrême. La revoici dans « Red Sparrow » et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle y lâche encore les chevaux !
Dans ce thriller d’espionnage sexy et hautement paranoïaque, Jennifer Lawrence est Dominika, une danseuse du Bolchoï qui vit seule avec sa mère souffrante. Au coeur d’une Russie corrompue et violente, la jeune femme trace sa route avec passion : elle est l’une des meilleures dans son domaine. Mais un accident lors d’une représentation vient tout chambouler. Alors qu’elle était relativement naïve et vulnérable, Dominika va peu à peu céder aux pulsions et à la tentation du Mal. Alors que son rêve se brise et que la sécurité financière de sa mère est menacée, elle décide de tenter le tout pour le tout et accepte l’invitation de son oncle un peu louche (Matthias Schoenarts) qui va lui proposer une mission pour le moins incongrue. Dominika va en effet devoir user de ses charmes pour duper un homme puissant et lui voler son téléphone.
L’affaire tourne très mal et l’ex danseuse réalise trop tard qu’elle a mis les pieds dans un engrenage infernal. Pour sauver sa peau et celle de sa mère, elle n’aura d’autre choix que de devenir un « moineau ». Les moineaux sont des gens jeunes et désirables formés avec sadisme pour devenir des espions utilisant leur corps pour parvenir à leurs fins. Quand il s’agit de survivre, on se surprend à dépasser ses limites, à oublier ses valeurs et sa fierté…
Dominika se retrouve en apparence l’esclave d’un système pourri jusqu’à l’os… mais ses qualités d’espionne lui permettent d’éviter les pires pièges. Elle veut s’en sortir, elle ne reculera devant rien et va devenir l’experte du double jeu. Les choses se compliqueront toutefois quand elle devra manipuler Nate Nash (Joel Edgerton) un agent américain au coeur pur qui ne la laissera pas indifférente…
On pouvait s’attendre à un thriller un peu bas de gamme et plaisir coupable et la surprise n’en est que plus belle. « Red Sparrow » bénéficie d’une mise en scène très solide voire virtuose dans ses meilleurs moments. Le réalisateur Francis Lawrence nous plonge dans une Russie archi violente et schizo où le destin peut se transformer à tout moment en un véritable cauchemar. Sous influence hitchcockienne, le long-métrage laisse peu de temps mort au spectateur et multiplie les retournements de situation. Double, faux-semblants, manipulation à tous les étages : l’ensemble est pulsionnel et vénéneux à souhait et chaque protagoniste est toujours entre la vie et la mort, l’attraction et la destruction.
Outre des personnages tous plus ambivalents les uns que les autres, se déploie un univers dense et anxiogène, comme ce centre au coeur duquel une Charlotte Rampling diablement vicieuse forme des gens à devenir une nouvelle génération d’espions-escorts.
Surprenant de par sa maîtrise formelle mais aussi de par sa violence et sa perversité (certains passages mettent les nerfs à vif et font ressentir au spectateur physiquement le danger et le vertige qui s’emparent de l’héroïne), « Red Sparrow » oscille en permanence entre le froid (l’image souvent glaciale de la Russie) et le chaud (l’urgence de la survie, le corps comme arme de manipulation).
S’il n’est pas exempt de défauts (l’accent russe un peu surfait des acteurs, un dénouement un peu expédié, quelques maladresses ici et là), ce thriller frontal et millimétré finit bel et bien par obséder et nous faire passer un intense moment de cinéma. Jennifer Lawrence est pour beaucoup dans cette réussite. En jeune femme fatale ensorcelante, elle donne absolument tout ce qu’elle a et devient un objet de désir et de fétichisme pour la caméra. Brune puis blonde, victime puis bourreau, sensible puis violente : elle se jette dans son rôle avec une intensité rare. Fascinante et magnétique de bout en bout, elle trouve là l’étoffe d’une grande.
Film sorti le 4 avril 2018
LES CRUSHS DU FILM
Entre le Mal et le Bien, on craque aussi bien pour Joel Edgerton en agent mélancolique que pour Matthias Scoenaerts en Tonton pervers.