INTERVIEWS POP

Rencontre avec Oliver Sim pour la sortie événement du morceau « Fruit »

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Oliver Sim, chanteur, compositeur et bassiste du déjà culte groupe The XX a lancé son projet musical solo il y a quelques semaines avec le titre Romance with a memory. Un morceau pop hybride, au groove intemporel et dont la vidéo home made mettait en scène des personnages et créatures horrifiques incarné.e.s par des artistes drags. Une illustration aussi cool qu’étonnante pour cette piste évoquant le goût un peu maso pour les amours imaginaires inaccessibles et paradoxalement délicieusement frustrants. 

Aujourd’hui, celui qui a l’une des voix les plus magnétiques de l’indie pop, passe la seconde si on peut dire en dévoilant un nouveau single de haute volée, toujours produit par le fidèle Jamie xx : Fruit. La chanson est tout simplement magnifique, ballade pleine de souffle qui ne manque pas de toucher en plein coeur. 

Invitation à croquer dans un fruit possiblement défendu, à aller vers ce que certains considèreraient comme anormal ou honteux, ce morceau à l’écriture limpide, universelle, fondamentalement pop, sonne comme une évidence. L’effet d’une belle montée en puissance qui nous donne envie d’embrasser qui l’on est. Un hommage en forme de gros câlin à tous les enfants queer que l’on a pu être. 

Musicalement, c’est un BOP total, et visuellement le clip de Fruit fait l’effet d’un rêve en 35mm. Son réalisateur n’est autre que le génial Yann Gonzalez, réalisateur des Rendez-vous d’après minuit et d’Un couteau dans le coeur. Avec Oliver Sim, ils nous entraînent dans une fantaisie pop, où l’Oliver d’aujourd’hui adresse un message réconfortant et galvanisant à l’Oliver enfant à travers un show télévisé qui réserve des moments iconiques tels qu’un bisou gay et un strip aussi délicat que libérateur. 

Il y a quelque chose de très vibrant dans cette communication, cette transmission de soi à soi. Devenir le héros de l’enfant que l’on était. Ré-écrire le passé et offrir une visibilité salvatrice qui a pu manquer. Faire la paix avec soi, s’affirmer et briller. Peu importe l’interprétation que l’on fera / trouvera dans ce clip, cela aboutit à une émotion forte, quelque chose de très personnel et profond. Ça donne le frisson.

Popandilms a eu le privilège de pouvoir échanger en amont de la sortie avec Oliver Sim pour plonger plus en profondeur dans l’univers de Fruit et du nouveau projet musical de son auteur surdoué. 

PROJET SOLO

« Faire ce projet solo a quelque chose d’effrayant car jusqu’ici j’ai tout fait avec mes deux meilleurs amis et complices de The XX. Je retrouve la même sensation, que je ne pensais plus ressentir un jour, qu’on pouvait avoir quand on a enregistré nos premiers morceaux avec Romy et Jamie : c’est hyper excitant. 

La sortie de ce nouveau morceau, Fruit, est vraiment particulière et importante pour moi. Avec mon précédent titre, Romance with a memory, j’avais surtout envie de m’amuser. Là, je trouve que l’on est beaucoup plus dans l’émotion, on est dans quelque chose de l’ordre de la célébration. C’est une chanson qui entend diffuser de la fierté et de la joie. J’ai hâte de voir comment les gens vont recevoir ce titre et se l’approprier. C’est enfin clairement la direction musicale que j’ai envie de donner et poursuivre pour cette nouvelle aventure musicale ». 

oliver sim fruit

UN UNIVERS MUSICAL PLUS QUEER 

« Avec The XX, on tient à ce que le projet puisse parler à tout le monde, que notre musique et nos paroles soient universelles. À travers mon projet solo, il y a clairement un côté queer plus revendiqué. Cela va sans doute de pair avec le fait qu’aujourd’hui je me sens plus affirmé, à l’aise avec qui je suis en tant que personne et comme artiste. Le clip de Fruit met en scène mon premier baiser avec un homme devant une caméra et c’était quelque chose de génial et fun à faire ». 

LE CHOIX DE YANN GONZALEZ POUR RÉALISER LE CLIP

« Quand j’ai découvert les films de Yann Gonzalez, j’ai tout de suite adoré son univers. Pendant le confinement,  j’ai réussi à récupérer son mail et je l’ai contacté moi-même un peu en mode fanboy en lui disant à quel point j’aimais son travail et en lui posant des questions sur ses films. 

C’était une période où les relations avec les gens me manquaient et où j’avais envie d’entrer en contact avec des personnes dont j’admirais le travail. J’ai eu un gros coup de coeur pour les oeuvres de Yann, j’avais envie d’entrer à l’intérieur de sa tête, de découvrir qui se cachait derrière toute cette créativité. Ce que j’aime particulièrement chez lui, c’est sa façon de mêler l’obscurité et la lumière, quelque chose de l’ordre des ténèbres mais amené avec de l’humour, un sens réjouissant de l’absurde, tout en étant sexy, charnel. J’aime les films comme ça qui nous emmènent ailleurs. J’aime aussi le caractère un peu pervers de ses oeuvres, c’est quelque chose qui me plait et m’amuse beaucoup. 

Au fil des échanges, un lien amical s’est tissé. Et d’un coup cette idée de collaboration s’est imposée. Parce que je pense que quelque part le travail de Yann Gonzalez m’a inspiré pour ce morceau et cela faisait sens qu’il en réalise le clip. Le tournage a été un moment vraiment super, un safe space, c’était génial d’être sous la direction d’un artiste comme lui. J’adore sa sensibilité, son côté décalé, sa créativité. Je le considère aujourd’hui comme un très bon ami et j’ai vraiment envie qu’on continue à faire des choses ensemble». 

oliver sim fruit

L’ENFANT OLIVER SIM

« Je suis en thérapie et je dois dire que j’adore ça. Car quand on est en thérapie on est amené à retrouver et s’apaiser avec l’enfant que l’on a été. Je pense que pas mal d’adultes gardent des traces, des complexes ou des blocages qui sont liés à des choses relevant de l’enfance, une difficulté à pouvoir être vraiment qui l’on sent que l’on est. On veut souvent rendre fiers ses parents, filer droit mais cela peut parfois être destructeur. Avec cette chanson et ce clip il y a une volonté se libérer de tout ça . 

Quand j’avais 10-12 ans, je regardais l’émission de Graham Norton avec ma belle-mère. Un jour devant la télé elle m’a dit « Tu sais, Graham Norton est gay, il a des relations avec des hommes ». Ca m’a évidemment fait quelque chose et je ne savais pas trop comment réagir, elle m’avait cerné (rires). Alors je tâtonnais, je répondais « Ok, Ok… » avec un air de dire « Mais pourquoi tu me balances ça ? ». Et elle surenchérissait en disant « Tu sais c’est tout à fait cool ». Graham Norton m’a marqué car c’était le premier homme ouvertement gay que je voyais sur un écran. Un présentateur important sur une grande chaine de télévision qui s’assumait. C’était rassurant d’avoir cette image. 

J’ai le souvenir aussi de quand je regardais en cachette la version anglaise de Queer as Folk. Je me souviens que j’étais dans le salon tout seul, j’étais captivé et en même temps j’avais peur que quelqu’un débarque en me voyant en train de regarder ça. 

La télévision m’a quelque part beaucoup aidé en tant que jeune gay qui se découvrait. J’y ai appris et vu ce dont je n’avais par exemple pas accès à l’école ».

L’INFLUENCE DU CINÉMA 

« Le cinéma est une grande source d’inspiration pour moi. J’aime les films qui nous entrainent au-delà du réel, ce qui touche au fantastique, à l’horrifique. Il y a définitivement une part que je veux cinématographique et surréaliste dans mon projet. J’aime l’idée de transmettre des messages et des émotions à travers de la fantaisie, des fantasmes, des rêves ou des cauchemars.

J’ai un faible pour les films d’horreur et les films avec des thématiques queer. Ce qui est génial maintenant que j’ai cet espace pour mon projet solo c’est d’aller à fond vers cet aspect cinématographique qui me plait tant et qui m’est propre.

Les films à thématique LGBT qui m’ont le plus marqué en grandissant n’étaient pas forcément des films où l’homosexualité était au premier plan. J’ai été plus marqué par des films qui avaient quelque chose qui titillait mon homosexualité. Mon grand souvenir d’ado c’est Sexe Intentions. J’étais complètement fasciné par Ryan Philippe et il y avait aussi ces quelques scènes gays avec l’acteur de Dawson, Joshua Jackson. Et la bande-originale était tellement cool ! 

J’ai aussi été marqué par les personnages de Norman Bates dans Psychose dont l’homosexualité était suggérée ou de Patrick Bateman dans American Psycho qui avait pour moi quelque chose d’homo érotique. J’étais happé par ces personnages qui avaient un rapport particulier et refoulé à leur féminité, quelque chose de sauvage et de vicieux aussi ». 

oliver sim fruit

SECONDE PEAU 

« Les vêtements tiennent une place importante dans la dramaturgie du clip de Fruit. C’est quelque chose que l’on a pu mettre en place avec le réalisateur Yann Gonzalez et aussi grâce à la précieuse aide de Kim Jones, le directeur artistique de Dior Homme. 

Je suis allé puiser dans mes souvenirs d’enfance. J’avais le souvenir des moments où ma mère rangeait la maison alors qu’en fond il y avait sur la télé une VHS du groupe Talking Heads qui tournait. J’ai été très marqué par la figure du chanteur David Byrne, il avait pour moi quelque chose de cartoonesque avec sa petite tête et ses grands costumes. Il incarnait pour moi une sorte d’hyper masculinité, presque absurde. Je suis parti de là pour mon clip. On me voit d’abord avec ce look très masculin et puis il y a cette forme de strip tease où progressivement je me défais des habits d’une certaine masculinité et je dévoile cette tenue très près du corps, plus féminine. C’est comme une seconde peau, comme ma vraie peau. Cela résume le chemin que l’on fait vers l’affirmation de soi, comment l’on se défait et se libère des codes ». 

« Fruit » est dispo à l’écoute sur toutes les plateformes, le morceau est aussi édité en vinyl édition limitée avec « Romance with a memory ». Oliver Sim devrait passer par Paris pour un concert à la Gaité Lyrique le 11 mai. 

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Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3