CINEMA
ROMANCE de Catherine Breillat : d’un monde à l’autre
Le film commence et l’on voit Paul (Sagamore Stévenin) en train de se faire maquiller. Paul est mannequin et il vit depuis plusieurs mois une romance avec Marie (Caroline Ducey). Ils ne vivent pas ensemble mais ont pris l’habitude de passer toutes leurs soirées côte à côte et de partager le lit pour la nuit.
Si pendant les trois premiers mois de leur relation, les rapports sexuels ne manquaient pas, voilà plusieurs mois que Paul refuse d’honorer Camille avec son anatomie. La femme est blessée, ne se sent plus désirée, est contrainte de devoir tout entreprendre. Paul est beau, Paul pourrait faire un bon mari, Paul pourrait faire un bon papa. Mais il est égoïste, asexué, pas du tout doué pour comprendre la gent féminine.
Lassée de sa vie de couple engluée dans la routine, Camille sort en pleine nuit pour aller boire dans un bar. Elle y rencontre Paolo (autrement dit son « autre Paul » interprété par Rocco Siffredi), un homme qui n’a pas non plus couché depuis des mois. Une liaison commence.
Le jour, Camille continue de mener une vie normale et exerce sa profession d’institutrice où elle donne à réfléchir sur les notions des verbes « être » et « avoir ». Le directeur de l’école (François Berléand) l’observe et finit par l’inviter chez lui. Il n’est pas beau, il est un peu pervers, il propose de la dominer sexuellement.
Perdue dans ses désirs, séparant l’amour du sexe, voyant les relations entre hommes et femmes comme de purs rapports de force, Camille se laisse aller dans ces jeux SM et enivrants. En plein vertige sensoriel, elle s’éloigne de Paul. Leur couple a-t-il encore une chance ?
Romance est traversé par la voix off de son personnage féminin principal, un personnage face à ses désirs inassouvis et ses fantasmes. On retrouve ici le goût pour la provocation de Catherine Breillat et ses envies de sortir des cases balisées du cinéma français. Prendre un acteur porno et lui faire jouer la comédie, ne pas censurer les scènes de sexe, montrer la vérité de l’intimité, aller au bout d’un portrait féminin très personnel et charnel : les mêmes désirs de cinéma émergent dans Romance que dans Une vraie jeune fille qui était son premier long.
Sauf qu’ici, contrairement à Alice la jeune fille présente dans son tout premier film, le personnage est une femme. Elle a déjà couché, elle a envie de sexe mais elle sait ce que c’est. Ce qu’elle ignore, ce sont les pratiques masochistes que lui réservent le directeur de son école. Ces scènes d’initiations sexuelles offrent une incroyable tension, comme si l’on passait d’un monde à l’autre.
Camille, jeune femme banale, se laisse aller, explore ses désirs les plus enfouis et essaie d’assumer. Film plus que jamais basé sur les rapports de forces et les oppositions en général, Romance confronte tendresse et sexe hard, amour et haine, sentiments et sexe, l’appartement tout blanc du couple modèle à l’antre sombre de l’initiateur dominateur. Il s’agit là d’un film difficile, avec des scènes très intenses, parfois renversantes. Mais ,si on accepte de se perdre avec l’heroine, on assiste à un moment de cinéma d’une grande fragilité et d’une sincérité rare qui donne à réfléchir sur les relations, l’amour, la sexualité, l’identité.
Film sorti en 1999 et disponible en VOD