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SEARCH PARTY saison 1 à 4 : enquête et folie

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Série au ton singulier et à l’écriture pleine de surprises, Search Party a déjà au compteur 4 saisons. Chacune comporte une dizaine d’épisodes de 25-30mn. Avec ses new yorkais hipsters dont l’égocentrisme est souvent moqué par ses scénaristes, ce show un poil ovniesque navigue entre les genres mêlant humour, suspense et folie. 

New York. Dory Sief (Alia Shawkat) est une femme d’une vingtaine d’années complètement paumée. Elle enchaîne les petits boulots sans intérêt (comme, notamment, assistante d’une femme entretenue complètement à côté des réalités), ne sait pas du tout ce qu’elle veut faire de sa vie, ce à quoi elle aspire. Elle oublie l’ennui ambiant en passant du temps avec ses meilleurs amis égocentriques : l’aspirante comédienne Portia (Meredith Hagner) et le gay opportuniste et mythomane Elliott (John Early). Dory partage également son quotidien avec son petit ami Drew (John Reynolds), qui songe à travailler dans la finance mais qui peine à briller au bureau. 

La routine de ce groupe d’amis qui passe ses journées à s’écouter parler et à déblatérer des futilités bascule quand Dory découvre qu’une vieille connaissance de la fac, Chantal (Clare McNulty), est portée disparue. Les parents de cette dernière redoutent le pire et se mettent même à croire qu’elle a été assassinée. Mais Dory pense l’apercevoir un soir dans un restaurant chinois. Il n’en faut pas plus pour que la jeune femme en mal de passion et d’occupations se retrouve complètement obsédée par cette affaire. Dory va finir par dédier tout son temps libre à rechercher Chantal et à essayer de percer le mystère de sa disparition, entraînant avec elle son copain et ses amis dans une série de situations de plus en plus improbables et parfois dangereuses. 

Sur sa route, Dory croise le chemin d’un détective privé, Keith (Ron Livington), un homme plus âgé, divorcé et papa d’une petite fille, duquel elle va un peu trop se rapprocher. 

Au fil des semaines, l’obsession de Dory autour de la disparition de Chantal va s’avérer de plus en plus toxique. Elle et ses amis ne le savent pas encore, mais cette quête va changer leur existence à tout jamais, les amenant progressivement vers un véritable cauchemar éveillé… 

search party série
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J’ai eu l’idée de rattraper cette série car parmi ses scénaristes il y a le très talentueux et drôle Jordan Firstman (qui y joue aussi un petit rôle), dont j’avais beaucoup aimé le drolatique court-métrage Men don’t whisper. Search Party commence plutôt sous l’angle de la comédie new yorkaise, sorte d’enquête à la Scooby Doo avec un humour souvent perché, improbable, absurde. Beaucoup de comique de situation, une écriture assez brillante qui égratigne avec brio une jeune génération blanche, privilégiée et terriblement autocentrée. Si elle se moque beaucoup de ses protagonistes, Search Party les aime malgré tout et mêmes les personnages les plus têtes à claque sur le papier comme Elliott finissent par être attachants. 

La comédie s’estompe progressivement alors que l’intrigue avance. Alors que la première saison approche de sa fin et de son dénouement pour le moins surprenant, le suspense et la tension gagnent du terrain. Et la noirceur aussi. La seconde saison laisse l’aspect polar prendre beaucoup plus de place et va aller chercher plus en profondeur ce qu’il y a de plus sombre chez ceux qui deviennent de parfaits anti-héros. Le troisième chapitre donne lieu à une série en mode procès médiatisé où les mensonges et manipulations vont abonder. Et la quatrième saison marque une mutation en plein thriller cauchemardesque. Les créateurs et scénaristes parviennent ainsi à faire de Search Party une fiction qui se renouvelle à chaque saison de façon inattendue, nous emmenant toujours là où on ne s’y attend pas et se laissant de plus en plus contaminer par les ténèbres. 

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À travers Dory, son héroïne paumée à laquelle on peut facilement s’identifier au départ mais qui va progressivement révéler une part de folie, de mythomanie et de monstruosité pour le moins tétanisante, le show dresse un portrait peu flatteur d’une jeunesse branchée dont la peur du vide va déclencher une spirale infernale de laquelle il s’avèrera impossible de s’extirper. Dory, à priori introvertie et discrète, va tout aspirer autour d’elle. Elle va, sans qu’ils s’en rendent compte – ni elle-même au départ – vampiriser les existences de ses amis et de son compagnon. Le personnage aspire au passage la série elle-même, la fiction changeant de personnalité en même temps que son héroïne dévoile de nouvelles facettes. 

search party série

On assiste ici en quelque sorte à la naissance d’un monstre, à la trajectoire de quelqu’un d’ordinaire qui va basculer doucement mais sûrement vers le Mal. De quoi donner par moments à Search Party des allures de Breaking Bad au féminin (sauf que contrairement au personnage culte de Walter White, Dory n’avait pas vraiment d’excuses pour basculer du côté obscur et c’est ce qui rend la chose encore plus glaçante). 

Ambivalente et changeante, cette série qui multiplie les ruptures de ton tout en s’appuyant sur une écriture inventive, précise et intelligente, est un joli ovni qui a vite fait d’obséder. 

Série créée en 2016 et disponible sur MyCanal 

Blog rédigé en solo par Gaspard Granaud. Avec la précieuse aide de Pierre pour la période avril-mai 2022, merci <3