ONE SHOT SONG
Sébastien Delage et sa chanson censurée
La censure a encore fait des siennes et pas qu’un peu ! L’artiste Sébastien Delage (qui nous avait ravi ici avec le très beau clip animé Les Garçons de l’été) souhaitait terminer en beauté la promotion de son EP Fou avec un clip sexy accompagnant sa chanson sobrement intitulée Chanson de bais*. Alors voilà déjà tu vois je mets volontairement une étoile sur le mot et je t’explique pourquoi : car quand tu mets des mots crus et que tu es un blog indé qui ne peux pas vraiment avoir les moyens de protester, tu peux être assimilé à un blog « adulte » et te retrouver dé-référencé de Google. Pour la petite histoire, et ceux qui suivent popandfilms le savent, à la base ce blog mêlait films, pop et porn culture. J’ai dû il y a quelques années tout recommencer de zéro car tout le blog avait été dé-référencé à cause de la partie porn.
Censure sur Google donc mais on le sait c’est loin de se limiter à cela. Par exemple sur Tiktok saviez-vous que la majeure partie du temps quand vous mettez une vidéo d’un bisou entre deux garçons vous êtes dé-référencé des hashtags ? Que TikTok vous envoie des avertissements ou est susceptible de carrément vous bannir si vous mettez « un bisou trop passionné » (je n’invente rien c’est même dans leurs charte officielle), que vous montrez pour les mecs de façon trop explicite des pieds ou des aisselles. J’ai même eu un signalement pour un mec faisant un squat ou pour quelques poils pubiens dépassant d’un maillot de bain. On en est là.
Tiktok (qui est un réseau social que j’adore par ailleurs et c’est d’autant plus triste de constater toute cette censure) a réussi l’exploit d’être encore plus puritain qu’Instagram (qui est depuis un moment maintenant un casse-tête total et une énorme source de frustration pour beaucoup d’artistes qui ont fini par comprendre que le nu artistique ou l’expression de la sexualité n’y étaient quasiment plus tolérés). Même rengaine pour Facebook.
C’est triste à dire mais à part Twitter (où je trouve qu’hélas tout va trop vite et où on ne prend pas franchement le temps de s’arrêter sur un travail photographique ou sur des vidéos un peu longues) il n’y a pratiquement plus aucun espace « libre » pour la création, pour montrer du sexy et de la sexualité. L’art doit se censurer et si tu veux voir de la sexualité tu vas devoir finir sur des plateformes adultes où le hardcore est souvent roi. L’argument récurrent de la plupart de ces plateformes ? La protection des enfants. Pardon mais je trouve ça tellement hypocrite : Twitter propose par exemple un filtre qui permet aux jeunes personnes égarées de ne pas se prendre des contenus pouvant choquer. Pourquoi les autres plateformes ne mettent pas cela en place ?
Il n’y a hélas aujourd’hui rien à faire contre un système et des plateformes qui dictent leurs règles. Soit tu files droit, soit ce que tu crées ou partage est mort. Et vu que tu n’as pas d’alternative tu n’as plus vraiment le choix que de t’autocensurer.
L’artiste Sébastien Delage vient d’en faire donc les frais avec le clip qui devait accompagner Chanson de bais*. Cette super vidéo signée Roger de la Société était là pour célébrer la beauté de l’intimité, tendre ou plus fervente. Toute l’équipe derrière le projet souhaitait diffuser « une vision plus tendre, positive, inclusive et fière » de la sexualité.
Sur les réseaux sociaux, il a fallu censurer au max les images pour tenter d’en faire la promotion sans que les posts ne soient signalés et supprimés. Youtube a fini par supprimer la vidéo du clip. Sébastien Delage pensait trouver refuge sur Dailymotion mais la même sentence est tombée. Au final, le clip n’est plus visible que sur Vimeo MAIS pour le voir il faut avoir créé un compte (gratuit) car il a été classé en contenu adulte. Autant dire que tout est fait pour que la vidéo ne soit plus visible (elle n’apparait d’ailleurs même pas dans les recherches Google à l’heure de l’écriture de ces lignes). C’est peu dire que ça attriste tous ceux qui y ont consacré tout leur temps et leur passion mais il en va ainsi en 2022.
Pour les vrais curieux qui ont envie de voir la chose, rendez-vous donc via ce lien après avoir créé un compte Vimeo.
On y retrouve sur une musique mêlant chanson et accents rock une succession d’étreintes sensuelles. Diversité, différents corps, une pointe de kinky (il y a des panards, de la chaussettes, des poils et des aisselles), des grosses pelles et des caresses franches. Soit la totale subversion aujourd’hui apparemment. La tristesse nous gagne encore plus tant le projet respire la joie du plaisir, constitue une invitation à embrasser une sexualité ludique et décomplexée.
On pourra se consoler grâce à la version Vimeo qui est un peu reloue d’accès mais qui a le mérite d’exister et aussi grâce à un fanzine de 104 pages créé pour l’occasion (plus d’info sur le compte Instagram de Sébastien Delage). Au final, c’est dans les beaux livres et les fanzines que la liberté artistique perdure désormais alors c’est à soutenir.
